Les dirigeants de l'Union africaine (UA) ont décidé de soutenir la candidature du Rwanda pour diriger la Francophonie. Pari réussi donc pour le président du Rwanda et président en exercice de l'Union Africaine, Paul Kagame, qui avait demandé à ses pairs de soutenir la candidature de sa ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, à la tête de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF).
En tant que cheffe de la diplomatie du pays qui préside l'organisation panafricaine, Louise Mushikiwabo avait dirigé le Conseil exécutif de l'organisation jeudi 28 juin, un bon point pour sa candidature à la tête de l'OIF, la seule - pour l'instant - des États africains.
Le Conseil exécutif de l'Union Africaine a pour habitude de soutenir les candidatures du continent pour les postes au sein d'organisations internationales, quoique ce soutien n'est pas systématique. Lors du sommet de la Francophonie à Dakar en 2014, Michaëlle Jean s'était présentée face à plusieurs candidats africains, ce qui a pu contribuer à sa victoire.
La partie devrait être différente pour le Canada lors de l'élection du Secrétaire général de l'OIF au sommet de la Francophonie les 11 et 12 octobre à Erevan en Arménie, car face à Louise Mushikiwabo, soutenue par Paris, aucun adversaire africain déclaré. Et les pays du continent pèsent lourd dans l'OIF : plus de la moitié des membres de plein droit de l'OIF sont africains (29 sur 54).
Autre soutien de poids pour la ministre rwandaise cette année : celui de la France. Car l'élection de Louise Mushikiwabo permettrait de ramener la direction de l'OIF en Afrique, après quatre ans de mandat de la Canadienne Michaëlle Jean, candidate à sa propre succession.
La candidature de Louise Mushikiwabo est disruptive. Car c'est une jeune femme d'un pays qui a tourné le dos à la francophonie et qui a même rejoint le Commonwealth. C'est peu habituel pour la francophonie.
Bruno Bernard, expert en francophonie économique
En 2009 l'ancienne colonie belge a rejoint le Commonwealth, un an après avoir remplacé le français par l'anglais comme langue d'enseignement obligatoire dans les écoles publiques.
La France est en pleine séduction. Elle veut placer ses pions en Afrique avec un vrai partenariat économique.
Bruno Bernard, expert en francophonie économique
Le soutien de la candidature rwandaise est "un coup de poker" de la France, estime Bruno Bernard, pour essayer de "bloquer l'accès à la RDC au monde anglo-saxon".
Il suffit de voir en RDC le nombre de voitures avec un volant à droite et d'écouter dans les taxis des radios qui ne sont plus nécessairement en français mais parfois en anglais. La francophonie pourrait donc contrer cet impérialisme latent anglophone.
Bruno Bernard, expert en francophonie économique
Côté canadien, une délégation emmenée par l'ambassadeur du Canada en Éthiopie Philip Baker, s'est rendue au sommet de l'UA pour soutenir la réélection de Michaëlle Jean. Le Canada s'intéresse de près à l'Afrique :
L'Afrique est la Chine des années 80. Donc en replaçant l'Afrique au centre du jeu dans la francophonie, Justin Trudeau relance une dynamique commerciale, industrielle et culturelle.
Bruno Bernard, expert en francophonie économique
Et pour la première fois, la France et le Canada s'affrontent sur le choix de leur candidat:
C'est paradoxal : le Canada soutient une candidature traditionnelle, culturelle, tandis que le président Macron soutient une candidature plus anglo-saxonne et mondiale, basée sur la francophonie économique.
Bruno Bernard, expert en francophonie économique