Les pays du G5 Sahel (Niger, Tchad, Mauritanie, Burkina Faso, Mali) et la France se réunissent ce mardi 30 juin à Nouakchott en Mauritanie pour faire un bilan et point d'étape dans la lutte contre le djihadisme. La France avait décidé de renforcer sa présence militaire dans la région six mois auparavant.
Cette réunion dans la capitale mauritanienne se tient six mois après
le sommet de Pau (sud-ouest de la France) où il avait été décidé d'intensifier la lutte antidjihadiste dans un contexte de dégradation généralisé de la situation sécuritaire de pays sahéliens.
La France avait décidé à la suite de ce sommet France-Sahel de renforcer sa présence militaire dans la région notamment après
la mort de 13 de ses soldats au Mali le 25 novembre 2019. Le nombre de soldats de l'opération Barkhane passait ainsi de 4 500 hommes à 5 100 hommes. L'armée française et ses alliés du G5 ont remporté dans les semaines qui ont suivi quelques succès tactiques.
Consolider les acquis
Emmanuel Macron, à son atterrissage pour son premier déplacement hors d'Europe depuis le début de l'épidémie, a déclaré que la France et ses alliés avaient
"durant ces six derniers mois connu de vrais succès dans la lutte contre le terrorisme avec la neutralisation de chefs redoutés". Il a salué une
"montée en gamme de l'intervention des armées sahéliennes".
Le sommet visera à
"consolider (les) acquis", a-t-il dit, tout en affirmant la nécessité de
"faire davantage en matière de retour de l'Etat", en particulier
"au Mali, au Burkina, dans un contexte - on le sait - très compliqué".
Sahéliens et Français revendiquent les lourdes pertes infligées aux djihadistes en 2020 et la forte baisse des leurs. Les experts, toutefois, continuent à dresser un sombre tableau. Chacun conserve à l'esprit la précarité de la situation et des gains réalisés, qui peuvent être annihilés en l'absence de progrès sur des fronts autres que militaire, comme la reconstruction civile ou la réconciliation.
De telles avancées sont jugées indispensables pour sortir la sous-région de la spirale des violences commencée en 2012 dans le nord du Mali.
Nouakchott est présenté, côté français, comme l'occasion de préparer l'avenir sur la lancée de Pau et de poursuivre l'effort consistant à associer à la lutte le plus grand nombre de partenaires, en particulier européens, par exemple au sein de Takuba, un groupement de forces spéciales censées accompagner les Maliens au combat.
Les chefs d'Etat du G5 Sahel, M. Macron, et des représentants d'organisations internationales (Union africaine, Francophonie, ONU, Union européenne) s'entretiendront d'abord à huis clos.
Succès militaires contre les djihadistes dans la zone des "trois frontières"
L'État islamique dans le Grand Sahara, l'EIGS, a depuis subi de lourdes pertes dans la zone des «trois frontières», aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso.
Ensuite dans le centre et le nord du Mali, les forces spéciales françaises, aiguillées par un drone américain, ont tué début juin le leader d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), l'Algérien Abdelmalek Droukdal.
«C'est indéniable qu'il y a eu des succès » dans cette zone, estime Jean-Hervé Jezequel, chercheur à l'International Crisis Group (ICG), interrogé par l'Agence France-Presse (AFP). Mais il oppose un « sentiment de déjà-vu » à cet autosatisfecit. « Les Français ont déjà tenu ce discours à plusieurs reprises, notamment en 2018. »
À l'époque, s'alliant avec des groupes armés locaux, la France avait axé son action sur le nord-est malien. Résultat : « des gros succès, mais un impact à long terme limité, voire nul. Car Barkhane a ensuite délaissé la zone pour se concentrer ailleurs et laissé le champ libre aux djihadistes qu'ils avaient chassés », analyse une source humanitaire dans la zone, également interrogée par l'AFP.
Six mois après le sommet de Pau,
"la situation sécuritaire s'améliore" mais
"reste profondément fragile", a récemment résumé la ministre française des Armées, Florence Parly.
Cinq fois plus de morts en 2019 qu'en 2016 au Sahel
Les violences, notamment intercommunautaires, ont fait plus de 4.000 morts en 2019, cinq fois plus qu'en 2016 selon l'ONU dans la région du Sahel. Et des soldats des armées du G5 sont accusés de représailles. Rien que dans le centre du Mali, 580 personnes sont mortes depuis janvier selon l'ONU.
Dans un communiqué, la Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, appelle les autorités maliennes à ouvrir rapidement
"des enquêtes approfondies, impartiales et indépendantes" sur ces violences et leurs auteurs.
"Le cercle vicieux des attaques de représailles entre les milices Dogon et Peul, couplé aux violations et abus commis par les Forces de défense et de sécurité maliennes et les groupes armés, a créé une situation d'insécurité chronique pour la population civile, déplorait Michelle Bachelet
dans un communiqué de l'ONU ce vendredi 26 juin.