Soudan : combats meurtriers à Khartoum et au Darfour en dépit de la trêve

Les combats opposant des paramilitaires à l'armée sont entrés dans leur treizième jour au Soudan. La capitale Khartoum et la région du Darfour sont désormais en proie au chaos des bombes, les belligérants ignorant la trêve qui prend fin ce 27 avril à minuit.
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Après des combats à Khartoum. 25 avril 2023
Après des combats à Khartoum. 25 avril 2023
© AP Photo/Marwan Ali
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La violence a franchi ce 27 avril  un nouveau palier au Soudan avec des destructions et des pillages au Darfour et d'intenses bombardements à Khartoum dans un conflit qui a déjà fait des centaines de morts.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a assuré travailler "activement" à prolonger un cessez-le-feu entré en vigueur mardi pour trois jours mais qui n'a quasiment pas été respecté.

Une relative accalmie des combats a cependant permis l'évacuation de centaines d'étrangers et de milliers de Soudanais mais la trêve n'a pas empêché Khartoum d'être pilonnée par avions et artillerie lourde en continu.

Des avions militaires ont survolé la banlieue nord de Khartoum où les troupes des deux généraux en guerre pour le pouvoir ont échangé des tirs à la mitrailleuse et à l'arme lourde.

"J'entends des bombardements intenses à l'extérieur de chez moi", rapporte ainsi ce soir à l'AFP un habitant de Khartoum.

Les combats qui opposent, depuis le 15 avril, l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, aux très redoutés paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, dit "Hemedti", ont fait plus de 500 morts et des milliers de blessés, selon le ministère soudanais de la Santé.

Avant l'expiration ce 27 avril à minuit, heure locale, d'une trêve de 72 heures, l'armée a annoncé la veille avoir accepté d'envoyer un représentant à Juba, la capitale du Soudan du Sud voisin, pour des pourparlers avec les paramilitaires pour discuter d'une prolongation de cettetrêve globalement peu respectée. Les paramilitaires n'ont de leur côté pas commenté cette initiative régionale.
 

Intensification des violences au Darfour

Au Darfour, région la plus touchée avec la capitale, les violences s'intensifient, notamment dans la ville d'El-Geneina, capitale du Darfour-Ouest. "Hôpitaux, bâtiments publics et centres de soin y ont été sévèrement endommagé et il y a des pillages à chaque coin de rue" rapporte un habitant d'El-Geneina.

Voir : Soudan : le désespoir de la population civile
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Peu d'informations filtrent de cette région frontalière du Tchad et théâtre dans les années 2000 d'une guerre particulièrement sanglante. Mais des médecins prodémocratie ont déjà annoncé la mort d'un de leurs confrères dans ces violences.

L'ONU fait état depuis plusieurs jours "d'attaques contre les civils, de pillages et d'incendies de maisons". Plus dangereux encore, affirme l'organisation, "des armes sont distribuées" à des civils.

 
On veut juste aller en toute sécurité à Jeddah (en Arabie saoudite) ou en Syrie. On veut juste quitter le Soudan.
Chaaban, un ressortissant syrien à Khartoum
Selon le ministère soudanais de la Santé, au moins 512 personnes ont été tuées et 4193 blessées depuis le début du conflit, mais le bilan est vraisemblablement beaucoup plus élevé.

La situation à Khartoum est "extrêmement mauvaise", raconte Chaaban, un ressortissant syrien en attendant son évacuation depuis Port-Soudan: "On veut juste aller en toute sécurité à Jeddah (en Arabie saoudite) ou en Syrie. On veut juste quitter le Soudan".

"Votre guerre, pas la nôtre"

"La violence, l'interruption du fonctionnement de nombreux hôpitaux et dispensaires, l'accès limité à l'eau potable, les pénuries alimentaires et le déplacement forcé des populations" constituent "les plus grands risques pour la santé au Soudan" alerte de son côté l'Organisation mondiale pour la santé (OMS).

Voir : Soudan : l'OMS alerte sur "un risque biologique énorme"
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Au Darfour 50 000 enfants "souffrant de malnutrition aiguë" sont privés d'aide alimentaire, alertent les Nations unies, qui ont interrompu leurs activités après la mort de cinq humanitaires.

Les combats ont provoqué un exode massif dans ce pays de 45 millions d'habitants, l'un des plus pauvres au monde.
Ceux restés au Soudan doivent composer avec les pénuries de nourriture, d'eau et d'électricité ainsi que les coupures d'internet et des lignes téléphoniques.

Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont déjà arrivées dans les pays frontaliers, notamment l'Égypte au nord et l'Éthiopie à l'est, selon l'ONU. Et, au total, 270 000 personnes pourraient fuir au Tchad et au Soudan du Sud.

"Partez maintenant"

Ces derniers jours, plusieurs pays ont organisé des évacuations. La France a annoncé avoir évacué encore près de 400 personnes de différentes nationalités, la Chine a dit avoir déjà rapatrié 1300 de ses ressortissants à bord de navires de guerre, et le Royaume-Uni a appelé ses ressortissants à "partir maintenant". Ceux restés au Soudan doivent composer avec les pénuries de nourriture, d'eau et d'électricité ainsi que les coupures d'internet et des lignes téléphoniques.

Lire : Soudan : la difficile opération d'évacuation des ressortissants étrangers

Jusqu'ici, 14 hôpitaux ont été bombardés, selon le syndicat des médecins, et 19 autres ont été évacués de force à cause de tirs, de manque de matériel et de personnel ou parce que des combattants y avaient pris leurs quartiers.

Dans le chaos général, des centaines de détenus se sont évadés de trois prisons, en particulier l'établissement de haute sécurité de Kober, qui accueillait le premier cercle de l'ancien dictateur Omar el-Béchir, recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour "crimes de guerre" et "crimes contre l'humanité" au Darfour.

Détenu dans un hôpital militaire en raison de son état de santé, selon l'armée, Omar el-Béchir, âgé de 79 ans, a été limogé par l'armée en avril 2019 sous la pression d'un grand soulèvement populaire.

Douchant les espoirs d'une transition démocratique, les deux généraux avaient évincé ensemble les civils du pouvoir en 2021, avant d'entrer en guerre, ne parvenant pas à s'accorder sur l'intégration des paramilitaires à l'armée.