Des soldats ont arrêté, au matin du lundi 25 octobre, des dirigeants civils du Soudan, dont le premier ministre, Abdallah Hamdok, selon un communiqué du ministère de l’Information. Les militants pro-démocratie évoquent un "coup d'Etat militaire".
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La plupart des ministres et les membres civils du Conseil de souveraineté ont été arrêtés", a annoncé, lundi 25 octobre au matin, le ministère de l'Information. Ce sont "
des forces militaires" qui les ont emmenés vers une destination inconnue et les retiennent, ajoute le communiqué.
Ce dernier rapporte que le premier ministre, Abdallah Hamdock, est détenu par des forces armées après qu’il a refusé de soutenir un "
coup d’Etat". "
Après avoir refusé de soutenir le coup d'Etat, des forces armées ont arrêté le Premier ministre Abdallah Hamdok et l'ont emmené vers un lieu non identifié", est-il précisé.
Internet a été coupé et les télécommunications sont de plus en plus aléatoires. Le siège de la radiotélévision d'Etat soudanaise à Omdourman, ville-jumelle de Khartoum, uniquement séparée par un pont sur le Nil, a été pris d'assaut. "
Des employés sont retenus", ajoute le ministère tandis que la télévision d'Etat diffuse actuellement un long concert de musique traditionnelle.
Elle a, en outre, indiqué que le général Abdel Fattah al-Burhane, à la tête de la transition soudanaise, allait prendre la parole sous peu.
Les réactions de la communauté internationaleDans la foulée des arrestations, les Etats-Unis, via l'émissaire américain pour la Corne de l'Afrique, Jeffrey Feltman, se sont dits "
profondément inquiets" par ces annonces d'arrestations et de prise de pouvoir par les militaires qui vont "
à l'encontre de la déclaration constitutionnelle (qui régit la transition dans le pays) et des aspirations démocratiques du peuple soudanais."
De son côté, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, appelle la communauté internationale "
à remettre la transition soudanaise sur les rails.L'émissaire de l'Organisation des Nations unies (ONU) au Soudan, Volker Perthes, se montre pour sa part "
très inquiet des informations sur un coup d'Etat"et a qualifié les arrestations "d'inacceptables". "
J'appelle les forces armées à relâcher immédiatement les détenus", a-t-il poursuivi.
L'Allemagne a de son côté "clairement condamné" lundi la tentative de coup d'Etat au Soudan qui "doit cesser immédiatement" pour permettre la poursuite d'une "transition politique pacifique vers la démocratie", dixit un communiqué du ministre des Affaires étrangères. "Les informations faisant état d'une nouvelle tentative de coup d'État au Soudan sont atterrantes", a réagi Heiko Maas, appelant au "dialogue" entre responsables politiques.
Climat de tension
Le Soudan connaît une transition précaire entachée de divisions politiques et de luttes de pouvoir depuis que l'armée a poussé au départ l'ancien président Omar el-Béchir, en avril 2019, après trois décennies de pouvoir sous la pression d'une énorme mobilisation populaire.
Depuis août de la même année, le pays est dirigé par un Conseil de souveraineté composé pour moitié de civils et pour moitié de militaires.
Ces derniers jours, la tension est montée entre les deux camps. Le 16 octobre,
des pro-armée ont planté leurs tentes devant le palais présidentiel où siègent les autorités de transition, partagées entre civils et militaires selon la transition qui devait s'achever en 2023.
En réponse, le 21 octobre, des pro-civils sont descendus par dizaines de milliers dans les rues des différentes villes du pays, dans un joyeux festival pour, disaient-ils, "
sauver" leur "
révolution."
Depuis, le sit-in des pro-armée a débordé ailleurs dans Khartoum. Dimanche 24 octobre au matin, ils ont bloqué un des principaux ponts de la ville créant des embouteillages monstres. Et le soir, ils sont de nouveau ressortis, brûlant des pneus en travers de route.
Face à eux, l'Association des professionnels, l'un des fers de lance de la révolte de 2019, a appelé les partisans d'un pouvoir civil à la "
désobéissance civile" face à un "
coup d'Etat militaire violent".
(Re)voir : Soudan : des manifestations de rue scindées en pro-militaires et pro-civils
Divisions au sein de la partie civile
Il y a deux jours déjà, le camp pro-civil avait mis en garde contre un "
coup d'Etat rampant", lors d'une conférence de presse qu'une petite foule avait cherché à empêcher.
La direction du pays est censé être remise aux civils lors d'une première étape avant d'arriver fin 2023 aux premières élections libres en 30 ans.
Mais les civils eux-mêmes sont divisés. Preuve en est, les manifestants rivaux qui ont organisé une démonstration de force à Khartoum, se revendiquent tous des Forces de la liberté et du changement (FLC), la grande alliance anti-Béchir qui s'est créée en 2019.
Alors que la tension n'a cessé de monter, de nombreux hauts diplomates, parmi lesquels l'émissaire américain, Jeffrey Feltman, se sont pressés à Khartoum ces derniers jours.
A chacun, le chef du Conseil de souveraineté, le général Abdel Fattah al-Burhane, et le Premier ministre, le technocrate Abdallah Hamdok, ont redit leur attachement à "
la coopération civils-militaires" et à "
la transition démocratique".
La rumeur courait dans Khartoum qu'un remaniement ministériel était imminent et que l'armée cherchait à étendre son influence au sein des autorités de transition. Mais M. Hamdok, qui parlait depuis des jours de "
crise la plus grave et la plus dangereuse" pour la transition, avait démenti.
(Re)voir : Gouvernement de transition au Soudan : climat de défiance entre civils et militaires