Fil d'Ariane
Un cessez-le-feu est entré en vigueur samedi 10 juin au Soudan. Mais sur place, les habitants ont peu d'espoir de le voir appliqué. Ces dernières semaines, de nombreuses trêves ont été violées. Les deux derniers mois de conflit ont conduit à une grave crise humanitaire.
Des gens font la queue devant une boulangerie lors d'un cessez-le-feu à Khartoum, au Soudan, le samedi 27 mai 2023. L'Arabie saoudite et les États-Unis affirment que les parties belligérantes au Soudan adhèrent mieux à un cessez-le-feu d'une semaine après des jours de combats.
Les camps des deux généraux en guerre ont accepté une trêve de 24 heures, samedi 10 juin à partir de 06H00, heure de Khartoum (04H00 GMT), a annoncé vendredi le médiateur saoudien, qui accueille depuis des semaines des négociations entre les belligérants.
Il s'agit d'un énième cessez-le-feu dans cette guerre déclenchée le 15 avril entre l'armée, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo.
Les parties se sont engagées à cesser les violences dans tout le pays pour permettre "l'arrivée de l'aide humanitaire", selon le ministère des Affaires étrangères saoudien. Le commandement général des forces armées a toutefois déclaré qu'il se réservait le "droit de répondre à toute violation que les rebelles pourraient commettre". "Nous réitérons notre plein engagement en faveur du cessez-le-feu", ont affirmé de leur côté les paramilitaires.
Trois heures après l'entrée en vigueur de la trêve, des habitants de différents quartiers de la capitale soudanaise ont indiqué à l'AFP qu'ils n'avaient entendu ni bombardements ni affrontements. "Une trêve d'un jour est la moindre des choses à laquelle on aspire. On a hâte d'en finir avec cette foutue guerre", a déclaré à l'AFP Mahmoud Bachir, un habitant du quartier de Bahri.
Issam Mohamed Omar, qui habitait dans le centre de Khartoum et a fui à Omdourman, la ville jumelle, veut le départ des paramilitaires. "Pour moi, une trêve qui ne chasse pas les FSR de la maison dont ils m'ont chassé il y a trois semaines ne sert à rien", lâche-t-il, alors que de nombreux habitants ont dénoncé la confiscation de logements par les FSR.
La guerre a déjà fait plus de 1.800 morts, selon l'organisation ACLED, spécialisée dans la collecte d'informations dans les zones de conflit, ainsi que deux millions de déplacés et réfugiés selon l'ONU. Dans les zones de combat, qui se déroulent principalement dans la capitale Khartoum et la vaste région du Darfour (ouest), les ONG ne cessent d'alerter sur la détérioration de la situation humanitaire.
Le spécialiste du Soudan Aly Verjee, de l'université de Gothenburg en Suède, ne voit guère comment cette trêve pourrait tenir plus que les autres. "C'est difficile de voir qu'une trêve reposant sur les mêmes critères (qu'avant), surtout d'une si courte durée, aboutira à un résultat sensiblement différent. Cela dit, même une diminution de la violence serait la bienvenue pour ceux qui vivent sous les tirs", dit-il.
Ce jeudi 8 juin 2023, une épaisse fumée noire s'échappe au dessus de Khartoum, la capitale du Soudan, alors que les affrontements entre l'armée et les bélligérants durent depuis deux mois.
"À Khartoum, nous estimons que seuls 20% des établissements de santé fonctionnent encore", a déploré vendredi le patron du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Alfonso Verdu Perez, lors d'une conférence de presse à Genève. "Ces dernières semaines, nous avons réussi à livrer du matériel chirurgical à dix hôpitaux" de la capitale, "mais les besoins sont immenses et il reste encore beaucoup à faire", a-t-il ajouté.
"Si les parties ne respectent pas le cessez-le-feu de 24 heures, les médiateurs devront envisager d'ajourner les discussions de Jeddah", ont prévenu les médiateurs saoudiens et américains qui supervisent des négociations depuis des semaines en Arabie saoudite entre camps rivaux.
Ryad avait déclaré la semaine dernière chercher avec les Américains à "poursuivre les discussions" pour parvenir à un cessez-le-feu "effectif", après que les négociations ont été officiellement suspendues. Sur le plan diplomatique, le gouvernement soudanais a déclaré cette semaine persona non grata l'émissaire de l'ONU au Soudan, l'Allemand Volker Perthes, l'accusant d'avoir pris partie dans le conflit.
Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l'ONU, a jugé vendredi cette décision "contraire" aux principes des Nations unies et "pas applicable", notant que son statut était "inchangé".