Fil d'Ariane
Déclenchée le 15 avril, la guerre oppose le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, et les FSR du général Mohamed Hamdane Daglo. Les affrontements ont fait des milliers de morts et des millions de déplacés. Au bout de sept mois de guerre entre généraux rivaux, le Soudan risque une désintégration, le pays étant déjà fragilisé avant le déclenchement des hostilités.
Photo d'archives. Des ouvriers soudanais du Darfour et du Kordofan travaillent dans une usine de briques traditionnelles sur les rives du Nil, dans la région de Shambat, au nord de Khartoum, au Soudan, mercredi 26 février 2014.
Le Soudan serait-il en train de vivre un "scénario libyen" ? Cette hypothèse, en référence à la crise politique inextricable qui secoue ce pays d'Afrique du Nord voisin du Soudan, où deux gouvernements se disputent le pouvoir, l'un établi dans l'Ouest et l'autre dans l'Est, semble désormais inévitable selon plusieurs experts.
"La poursuite des combats pourrait conduire à des scénarios terrifiants, dont la division", avertit Omar Youssef, porte-parole des Forces de la liberté et du changement (FLC), le bloc civil évincé du pouvoir lors du putsch mené en 2021 par les deux généraux alors alliés et aujourd'hui en guerre. "La vague croissante de militarisation (des civils) aggrave les fissures sociales", ajoute-t-il à l'AFP.
À la table des négociations, les deux camps, incapables de prendre un avantage décisif, n'entendent guère faire de concessions, comme l'a à nouveau démontré l'échec début novembre des pourparlers parrainés par les États-Unis et l'Arabie saoudite, laissant craindre une fragmentation du pays en cas de prolongation du statu quo.
L'incapacité de parvenir à une solution politique pourrait en effet conduire à une situation similaire à celle de la Libye, plongée dans une crise politique majeure depuis la révolte de 2011, avec "plus d'un gouvernement, sans réelle efficacité ni reconnaissance internationale", décrypte auprès de l'AFP Fayez al-Salik, analyste politique et journaliste.
Le conflit déclenché le 15 avril entre le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, et son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo, a fait plus de 10.000 morts selon une estimation de l'ONG Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled), considérée comme largement sous-évaluée. Il a également déplacé plus de six millions de personnes et détruit la plupart des infrastructures.
Début novembre, de nouveaux massacres ont été signalés après une offensive de grande ampleur menée par les FSR au Darfour, où les miliciens ont rapidement revendiqué la prise de contrôle des bases de l'armée dans presque toutes les grandes villes de la région. Dans la seule ville d'Ardamata, des centaines de personnes auraient été tuées par des groupes armés, qui ont forcé plus de 8.000 personnes à fuir vers le Tchad voisin en une semaine, selon l'ONU.
L'Union européenne (UE) s'est dite "atterrée" face aux "plus de 1.000 morts" en deux jours à Ardamata, mettant en garde contre un possible "nettoyage ethnique". Depuis le début de la guerre, l'ONU a recensé plus d'1.5 million de déplacés internes au Darfour, région grande comme la France où vit un quart des 48 millions de Soudanais.
Qui sont les FSR ?
Les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du Soudan sont dirigés par le général Mohamed Hamdane Daglo.
Les FSR contrôlent désormais la majeure partie de la capitale Khartoum et ont réalisé des avancées fulgurantes au Darfour à l’ouest du pays.
Dans le même temps, le gouvernement et les dirigeants de l'armée ont quitté la capitale pour se replier dans la ville de Port-Soudan, épargnée par les affrontements, exacerbant les craintes d'un éclatement du pays.
Ce sont des miliciens arabes, les Janjawids, qui forment le gros des troupes des FSR et qui avaient mené dans les années 2000, sous le commandement du général Daglo, la politique de la terre brûlée au Darfour, pillant, violant et tuant des membres d'ethnies non-arabes pour le compte du dictateur déchu Omar el-Béchir.
Si le général Daglo peut compter sur le soutien d'alliés de poids, au premier rang desquels les Emirats arabes unis, le général Burhane conserve son rôle de chef d'Etat de facto sur la scène internationale, participant régulièrement aux sommets de l'ONU et de la Ligue arabe.
Sur le terrain toutefois, la progression effrénée des FSR au Darfour "leur donne un avantage et leur permet de se déplacer au sein de leur base", d'après M. Salik, en référence aux tribus arabes.
Malgré l'avancée des paramilitaires au Darfour, les chances que l'une ou l'autre des parties remporte une victoire décisive restent minces, estime un expert militaire s'exprimant auprès de l'AFP sous couvert d'anonymat.
Selon lui, "même si (l'armée) parvient à reprendre le contrôle de Khartoum, ce qui s'annonce très ardu, envoyer des troupes pour reprendre les zones du Darfour contrôlées par les FSR représente un énorme défi logistique", avec plus de 1.400 kilomètres séparant Khartoum de la ville d'El-Geneina, à la frontière avec le Tchad.