Fil d'Ariane
Le Tchad dément "amplifier la guerre au Soudan" en fournissant des armes aux Forces de soutien rapide (FSR). Ces formations paramilitaires combattent l'armée régulière depuis avril 2023, faisant des milliers de morts et des millions de déplacés.
Des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) dans l'est de la province du Nil au Soudan, en juin 2019. Le Soudan accuse le Tchad de leur fournir des armes.
"Le Tchad n'a aucun intérêt à amplifier la guerre au Soudan en fournissant des armes, nous sommes l'un des rares pays où cette guerre a des répercussions importantes", a déclaré ce 24 octobre Abderaman Koulamallah, le ministre tchadien des Affaires étrangères et porte parole du gouvernement, dans un entretien avec la radio RFI. "Nous ne soutenons aucune des factions qui se battent sur le territoire soudanais, nous sommes pour la paix", a-t-il dit.
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Le ministre répondait à des accusations formulées le 23 sur les ondes de RFI par le gouverneur du Darfour, Minni Arcou Minnawi. Ce chef d'une des factions ralliées au gouvernement soudanais a précisé être venu à Paris pour "demander aux Français (....) d'enrayer le rôle du gouvernement tchadien dans le transit à travers son territoire des aides non-humanitaires - des matériaux militaires - vers les zones sous contrôle des FSR au Soudan".
Les autorités soudanaises ont déjà par le passé accusé le Tchad de faciliter des livraisons d'armes fournies par les Émirats arabes unis - un rôle également pointé dans un rapport de l'ONU publié en janvier 2024 - ce que les deux pays ont démenti.
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Les nouvelles accusations lancées sur RFI interviennent quelques jours après la publication d'un rapport du Sudan Conflict Observatory - une plateforme financée par le Département d'État américain - selon lequel "les Émirats ont facilité l'approvisionnement d'armes des FSR via l'aéroport international Maréchal Idriss Deby d'Amdjarass, au Tchad, entre juin 2023 et mai 2024".
"Il y a toujours de très importantes quantités de matériels militaires qui traversent le Tchad vers le Soudan", a assuré le 23 octobre le gouverneur du Darfour en affirmant que ces armes transitaient par "différents aéroports" tchadiens ou par le port de Douala au Cameroun avant d'arriver au Soudan via le poste-frontière d'Adré. "Nous avons de bonnes relations avec les Émirats arabes unis (...) mais en aucun cas cette relation ne revêt un caractère militaire en fournissant des armes à quelque faction" que ce soit, a contesté le ministre tchadien des Affaires étrangères sur RFI en dénonçant des "informations fantaisistes".
"Chaque fois que les Soudanais n'arrivent pas à trouver leur propre voie, ils accusent le Tchad, ils accusent les pays voisins, ils feraient mieux de se pencher sur leur propre responsabilité", a-t-il dit.
Basé sur des images satellites et des données de contrôle aérien, le rapport du Sudan Conflict Observatory fait aussi état de livraison d'armes par l'Iran à l'armée soudanaise, via l'aéroport de Port Soudan, entre décembre 2023 et juillet 2024.
"L'armée est une institution nationale, et c'est le ministère de la Défense qui conclut tout naturellement des contrats avec d'autres pays pour acheter des armes (...) C'est officiel et ce ne sont pas des armes qui sont acheminées clandestinement pour une milice familiale soutenue par les Émirats", a commenté le gouverneur du Darfour sur RFI.
La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, les estimations allant de 20.000 à 150.000, la plupart des victimes n'étant pas recensées, selon les médecins. Le conflit a également entraîné le déplacement de plus de dix millions de personnes, soit un cinquième de la population du pays, dont plus de 3 millions dans les pays voisins et créé l'une des pires crises humanitaires de mémoire récente, selon les Nations unies.