Fil d'Ariane
Les États-Unis et les Nations unies ont condamné, jeudi 15 et vendredi 16 juin, l’assassinat de Khamis Abdallah Abakar, gouverneur de l'État du Darfour-Ouest. Les deux parties accusent les paramilitaires des Forces de soutien rapide commandées par le général Mohamed Hamdane Daglo alias Hemedti.
Des Sud-Soudanais ayant fui le Soudan sont assis devant une clinique de nutrition dans un centre de transit à Renk, au Sud-Soudan, le 16 mai 2023.
Les meurtriers du gouverneur de l'État du Darfour-Ouest, au Soudan, "doivent rendre des comptes", a exigé le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme. Il pointe du doigt les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, alias Hemedti, en guerre avec l'armée sous le commandement du général Abdel Fattah al-Burhane.
"Toutes les personnes responsables de ce meurtre doivent rendre des comptes, y compris celles qui ont des responsabilités de commandement", a exigé, devant la presse, Jeremy Laurence, porte-parole de l'agence onusienne à Genève. Le responsable des droits de l'homme à l'ONU, Volker Türk, "est consterné par ce meurtre", a fait savoir le porte-parole.
Le meurtre du gouverneur s'est produit "quelques heures seulement après son arrestation par les Forces de soutien rapide (FSR, paramilitaires) à El Geneina, capitale du Darfour-Ouest, où le conflit a pris une dimension ethnique, a-t-il poursuivi. Le gouverneur Abakar était détenu par les Forces de soutien rapide, et elles étaient responsables de sa sécurité."
Khamis Abdallah Abakar, gouverneur de l'État du Darfour-Ouest, a été tué quelques heures après avoir critiqué les paramilitaires lors d'une interview par téléphone avec une chaîne de télévision saoudienne, mercredi 14 juin.
Jeremy Laurence a par ailleurs fait part de l'inquiétude du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme face à la montée des discours de haine dans la région. Il a averti que "cela pourrait exacerber les tensions."
L'agence onusienne a examiné des vidéos enregistrées par des membres de milices arabes. Dans celles-ci, ils se vantent de leurs "victoires" et tuent ou expulsent des membres d'autres groupes. "Nous demandons que justice soit faite et que les responsables des exécutions extrajudiciaires et de toutes les autres exactions commises au cours de ce conflit soient amenés à rendre des comptes", a appelé Jeremy Laurence.
La veille, Washington a condamné avec force les "horribles violences" commises au Soudan, en particulier au Darfour, un "sinistre rappel" des atrocités commises dans les années 2000. Les États-Unis pointent la responsabilité des paramilitaires dans les exactions récentes.
"Des victimes et des groupes de défense des droits humains ont de façon crédible accusé les soldats des Forces de soutien rapide (FSR) et des milices alliées de viols et d'autres formes de violences sexuelles liées au conflit, a dénoncé le porte-parole du département d'État, Matthew Miller, dans un communiqué. Les atrocités commises aujourd'hui au Darfour-Ouest et dans d'autres zones sont un sinistre rappel des horribles événements qui ont conduit les États-Unis à déterminer en 2004 qu'un génocide avait été commis au Darfour."
Le responsable américain souligné que des groupes locaux estiment que jusqu'à 1.100 civils ont été tués dans la seule région d'El Geneina. L'ONU a, pour sa part, évoqué que plus de 273.000 personnes ont été déplacées dans le Darfour-Ouest. "Les femmes sont les principales victimes de cette violence", a-t-il ajouté.
Il a spécifiquement "condamné l'assassinat du gouverneur de l'Etat du Darfour-Ouest, Khamis Abdullah Abakar, le 14 juin après qu'il eut accusé les forces du RSF d'avoir perpétré un génocide."
Il s'est également inquiété d'informations faisant état du meurtre du frère du sultan de la tribu Masalit et de 16 autres personnes à El Geneina, le 12 juin.
Les États-Unis s'étaient gardés jusqu'à présent de cibler l'un ou l'autre camp. Ils rappellent dans leur communiqué que l'armée soudanaise n'a pas protégé les civils et a même encouragé le conflit en mobilisant les tribus.
Les affrontements ont éclaté le 15 avril dans ce pays d'Afrique de l'Est, l'un des plus pauvres du monde, entre l'armée, commandée par le général Abdel Fattah al-Burhane, et les paramilitaires des FSR du général Mohamed Hamdane Daglo, dit "Hemedti".
Les violences ont fait plus de 2.000 morts, selon le dernier bilan de l'ONG ACLED. Plus de 2,2 millions de personnes ont fui, dont plus d'un million ont quitté Khartoum, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Plus de 528.000 réfugiés sont arrivés dans les pays voisins.
Selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), plus d'un million d'enfants, parmi lesquels 270.000 au Darfour, ont été contraints de fuir les combats meurtriers. "Deux mois de guerre au Soudan ont entraîné le déplacement de plus d'un million d'enfants, tandis que 330 autres ont été tués et plus de 1.900 ont été blessés", a détaillé l’Unicef dans un communiqué.
La représentante de l'Unicef au Soudan, Mandeep O'Brien, citée dans le communiqué, a dénoncé "le cauchemar implacable dans lequel sont piégés les enfants", qui "portent le fardeau le plus lourd de cette crise."
"Les enfants représentent plus de la moitié de la population du Soudan", qui compte 45 millions d'habitants, a affirmé un responsable régional de la communication de l'Unicef, Ammar Ammar.
Les combats se sont jusqu'à présent essentiellement concentrés à Khartoum et au Darfour, une vaste région frontalière du Tchad, déjà meurtrie par une guerre civile dans les années 2000.