Au lendemain du coup de force des militaires, les manifestants pro-démocratie battent le pavé dans les rues de la capitale, Khartoum. Le général Abdel Fattah al-Burhan, qui a dissout les autorités de transition la veille, s'est exprimé mardi. Le Conseil des Nations unies se réunit en urgence. Les vols vers et depuis Khartoum sont suspendus jusqu'à samedi. Le Premier ministre renversé a été ramené chez lui selon un responsable militaire.
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Pas de retour en arrière possible", scandent des Soudanais, mardi 26 octobre à Khartoum. La capitale a des allures de ville morte au lendemain d'un coup de force condamné à l'étranger.
Quatre manifestants ont trouvé la mort la veille alors qu’ils protestaient contre l'arrestation de la quasi-totalité des dirigeants civils par les forces armées avec lesquels ils partageaient le pouvoir.
Le Premier ministre ramené chez lui
Le Premier ministre soudanais limogé Abdallah Hamdok, a été ramené chez lui mardi soir, après avoir été retenu par l'armée selon un responsable militaire. Plus tôt dans la journée, le bureau du Premier ministre avait appelé "les putschistes" à le libérer "immédiatement", dans un communiqué diffusé par le ministère de l'Information après les déclarations du chef de l'armée affirmant que M. Hamdok était chez lui.
Le texte réclame également la "libération de toutes les personnes" arrêtées tôt lundi avec la Premier ministre, notamment son épouse, plusieurs de ses ministres et les membres civils du Conseil en charge de la transition. La communauté internationale a déjà réclamé à plusieurs reprises leur libération.
Prise de parole du général al-Burhan
Le général Abdel Fattah al-Burhan, qui a dissout les autorités de transition et décrété un état d’urgence sur l’ensemble du territoire, s'est exprimé dans la journée du 26 octobre.
"Oui, on a arrêté des ministres et des politiciens, mais pas tous", a encore lancé le général dans une longue conférence de presse où il a justifié l'ensemble de son action. M. Hamdok, ancien économiste de l'ONU, est "en bonne santé" et "rentrera chez lui quand la crise sera finie".
Les Etats-Unis ont, de leur côté, "
suspendu" une aide de 700 millions de dollars dédiée à la transition au Soudan au motif que la voie vers ses premières élections libres semble de plus en plus bouchée.
Pour la Troïka (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Norvège), à la manœuvre sur le dossier soudanais depuis des années, "
les actions des militaires trahissent la révolution et la transition" post-dictature après la chute en 2019 de l'autocrate Omar el-Béchir.
C'est aussi l'avis des manifestants toujours dans les rues de Khartoum où quasiment tous les magasins, à l'exception de ceux vendant de la nourriture, sont fermés après un appel à la "
désobéissance civile".
"Un partenariat sanglant"
La "
grève générale" a gagné la capitale au lendemain des événements, entre employés incapables de rejoindre leurs bureaux par les routes coupées et manifestants décidés à bloquer le pays.
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Non au pouvoir militaire" et "
la révolution continue" scandent-ils, sous une nuée de drapeaux soudanais.
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On ne quittera la rue qu'une fois le gouvernement civil réinstallé", assure Hocham al-Amine, ingénieur de 32 ans. Et après le fiasco de la coopération entre militaires et civils qui a explosé en vol le 25 octobre, "
on n'acceptera plus jamais de partenariat avec l'armée", poursuit-il.
Depuis des mois déjà, les militants pro-démocratie dénonçaient les autorités civilo-militaires comme "
un partenariat sanglant".
Pour manifestants et experts, la perspective d'un retour au règne sans partage des militaires est désormais de plus en plus crédible. Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir urgemment à huis clos, dans l’après-midi du mardi 26 octobre.
Ballet diplomatique et "ingérence étrangère d'ampleur"
Le pays est englué depuis deux ans dans une transition qui n'a pas vu le jour et il est désormais plongé dans l'inconnu. Le récent ballet diplomatique à Khartoum n'y a rien fait.
Dimanche 24 octobre encore, l'émissaire américain, Jeffrey Feltman, rencontrait le général Abdel Fattah al-Burhan et le Premier ministre, Abdallah Hamdok. Tous deux s'engageaient alors à la transition démocratique.
A l’heure actuelle, le premier ministre est toujours détenu par des militaires. Il a été emmené avec son épouse, plusieurs de ses ministres et les dirigeants civils du pays vers une destination inconnue.
Seul Moscou a vu dans ce coup de force dénoncé en Occident "
le résultat logique d'une politique ratée" accompagnée d'"
une ingérence étrangère d'ampleur". Le Soudan est un pays où Russes, Turcs, Américains ou encore Saoudiens se disputent l'influence notamment sur les ports de la mer Rouge, stratégiques pour leurs flottes dans la région.
La rue, elle, n'espère pas grand-chose des nouvelles autorités jusqu'ici incarnées par un seul homme. Le général Burhane a promis un gouvernement "
compétent" pour bientôt mais son coup de force a suspendu de fait une transition inédite dans un pays resté sous la férule de l'armée quasiment en continu depuis son indépendance.
"Sauver la révolution"
Les Soudanais dans la rue veulent, disent-ils, "
sauver" la "
révolution" qui a renversé Béchir en 2019, au prix d'une répression qui avait fait plus de 250 morts.
Depuis lundi, au moins quatre manifestants ont été tués par des balles "
tirées par les forces armées" selon un syndicat de médecins pro-démocratie. Plus de 80 autres ont été blessés à Khartoum où les routes sont coupées par manifestants et forces de sécurité déployées avec leurs blindés sur les ponts et les grands axes.
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La patrie l'emporte sur tout et en ce moment-même elle plonge dans le gouffre à cause des dirigeants: nous devons tous agir, sortir dans les rues est une obligation", a lancé un manifestant à l'AFP au milieu de colonnes de fumée noire de pneus brûlés.
La transition démocratique promise en 2019, dont les Soudanais se targuaient dans un monde arabe où les révoltes pro-démocratie des dernières années ont peu à peu laissé la place aux islamistes ou à des contre-révolutions autoritaires, battait de l'aile depuis longtemps.
Les militaire, jaloux de leurs acquis politiques et économiques, ne voulaient pas céder le terrain, accusent les pro-civils. Les civils eux-mêmes n'en finissaient plus d'annoncer des scissions concurrentes, mettant un peu plus en péril les premières élections libres prévues fin 2023.