Fil d'Ariane
De nombreux pays ont dénoncé un coup de force militaire après l'annonce lundi par le général Abdel Fattah al-Burhane de la dissolution de toutes les institutions du Soudan et l'arrestation de leurs dirigeants civils par des soldats. Ces événements ont coupé court à une transition démocratique entamée en 2019.
L'Union africaine et la Banque mondiale ont fait monter la pression sur l'armée: la première a suspendu le Soudan de ses institutions et la seconde a cessé son aide, pourtant vitale pour ce pays pauvre plongé dans le marasme économique et miné par les conflits.
A la suite du coup de force du lundi 25 octobre, Washington a suspendu une part de son aide à ce pays d'Afrique de l'Est parmi les plus pauvres du monde, et l'Union européenne a menacé de suivre. Moscou a en revanche estimé que ces développements étaient "le résultat logique d'une politique ratée".
Tôt ce mercredi 27 octobre, des gaz lacrymogènes ont à nouveau été tirés sur des manifestants. Quatre d'entre eux ont déjà été tués par balles, selon des médecins, et plusieurs ont été arrêtés. Le Conseil de sécurité de l'ONU a renoncé à utiliser "les termes les plus forts" pour dénoncer le putsch. Et le Fonds monétaire international (FMI), dont les aides et l'allègement de la dette sont vitales pour le Soudan, a estimé qu'il était "prématuré" de se prononcer.
Dans les rues de la capitale Khartoum, les manifestations se poursuivent ce mercredi matin, mais la police et les forces de sécurité démantèlent certains barrages routiers installés par les manifestants et arrêtent des participants autour des barricades.
En 2018 et 2019 déjà, des manifestants avaient campé pendant des mois jusqu'à forcer l'armée à démettre le dictateur Omar el-Béchir, au prix de plus de 250 morts dont les familles attendent toujours justice.
La capitale soudanaise est depuis lundi 25 octobre une ville morte, coupée de ses banlieues de l'autre côté du Nil par des soldats et des blindés déployés sur tous les ponts. Son aéroport, annoncé comme fermé jusqu'au samedi 30 octobre, verra la reprise de ses vols dans la journée de mercredi 27 octobre à 14h GMT.
La "désobéissance civile" décrétée lundi sous le choc d'un coup de force que tout le monde pressentait mais que personne n'imaginait si rapide est suivie. La plupart des syndicats ont déclaré la "grève générale", les magasins non essentiels sont fermés et ceux qui voudraient briser le mouvement ne peuvent pas rejoindre leur travail en raison des barricades et du danger à s'aventurer dans une ville où internet et les télécommunications vont et viennent.
Et le fait que le Premier ministre Abdallah Hamdok, un ancien économiste de l'ONU devenu le visage de la moitié civile des autorités de transition partagées avec les militaires pour mener le Soudan vers ses premières élections libres depuis 30 ans, soit chez lui, n'y change rien pour la rue qui veut une transition menée par les seuls civils.
Aucune image de l'homme qui n'a cessé de tenter de trouver un compromis entre les militaires et la rue pour "réaliser la liberté, la paix et la justice", disait-il il y a encore moins d'une semaine, n'a jusqu'ici filtré et il est toujours, selon son bureau, "sous étroite surveillance".
Pour manifestants et experts, l'option d'un retour à la dictature dans ce pays d'Afrique de l'Est, l'un des plus pauvres au monde, devient de plus en plus réaliste. Incapables de poster des vidéos en ligne avec des réseaux coupés la plupart du temps, nombre de militants redoutent plus de violence des forces de l'ordre. Selon eux déjà, plusieurs dirigeants de partis politiques ont été arrêtés et les forces de l'ordre ont pris d'assaut le campus de l'Université de Khartoum.
Pour dénoncer ces violences et le coup d'Etat, les ambassadeurs soudanais à Paris, Bruxelles et Genève ont fait défection, proclamant mardi 26 octobre leurs ambassades comme celles du "peuple et de sa révolution".