Fil d'Ariane
Un an après, si la situation est loin d'être idyllique dans ce vaste pays confronté à d'importants défis, le Soudan a vu sa révolution aboutir, et des festivités sont prévues de Khartoum à Port-Soudan, en passant par Atbara (nord-est), où les premières manifestations avaient éclaté en décembre 2018, après l'annonce soudaine du triplement du prix du pain.
Pour rendre hommage aux pionniers d'Atbara, un train transportant des centaines de personnes doit partir à 07H00 locales (05H00 GMT) de Bahri, au nord de Khartoum, en direction de cette ville ouvrière située à 350 km au nord de la capitale.
Cet événement symbolique, organisé par le gouvernement de transition et les Forces pour la liberté et le changement (FLC), principale organisation de la contestation, fait écho aux trains de manifestants d'Atbara envoyés à Khartoum durant la contestation.
Le train de jeudi et ses passagers resteront ensuite sur place jusqu'au 25 décembre, pour une semaine entière de festivités.
A Khartoum, plusieurs quartiers accueilleront aussi des célébrations de joie. Le grand jardin Green Yard, rebaptisé "place de la liberté", sera l'un des principaux lieux des célébrations.
A la veille de ce jour anniversaire, Badr Mohamed, habitant de Khartoum âgé de 22 ans, dit à l'AFP voir dans ces célébrations l'occasion de "demander justice" pour les morts de la contestation.
Des dizaines de personnes ont été tuées dans la répression du mouvement, au moins 177 selon Amnesty et plus de 250 d'après un comité de médecins proche des manifestants.
Hana Hussein, 21 ans, se souvient du "premier jour des manifestations, sous les gaz lacrymogènes et les balles réelles", et se réjouit de pouvoir commémorer jeudi la révolution.
"Le gouvernement de la révolution soudanaise va célébrer l'anniversaire de la révolution pacifique durant tout le mois de décembre", a de son côté récemment promis le Premier ministre Abdallah Hamdok, nommé après de longues négociations entre l'armée et les contestataires.
En décembre 2018, les premières manifestations avaient éclaté à Atbara, ainsi qu'à Port-Soudan, principal port du pays situé à 1.000 km à l'est de la capitale, et à Nhoud (ouest).
Des affrontements violents avaient opposé les manifestants à la police. Puis le mouvement avait gagné d'autres régions du pays, dont Khartoum.
L'armée avait déposé Omar el-Béchir le 11 avril, en s'efforçant toutefois de garder la mainmise sur la transition, se heurtent à un rejet déterminé de la rue.
A la suite d'un accord conclu en août entre l'armée et la contestation, le pays est à ce jour dirigé par un gouvernement de transition, avec un Premier ministre civil et un Conseil souverain composé de civils et de militaires, chargé de conduire le processus durant trois ans, avec des élections libres à la clé.
M. Béchir, détenu depuis avril à Khartoum, a lui été condamné samedi dernier pour la première fois à une peine de deux ans en institution pénitentiaire pour corruption.
L'ex-dictateur reste la cible de graves accusations de la part de la Cour pénale internationale (CPI) pour des crimes lors du conflit sanglant au Darfour (ouest) à partir de 2003.
Dans un communiqué publié jeudi matin, Amnesty a salué la possibilité offerte aux Soudanais de "célébrer le fait que leur action collective a mis fin à une répression étouffante et ouvert l'espoir d'un avenir meilleur".
Toutefois, l'ONG a rappelé que le gouvernement de transition devait "honorer son engagement de restaurer l'Etat de droit". Il a aussi réitéré la nécessité d'extrader M. Béchir vers la Haye, où siège la CPI.
Dans un rapport sur les crimes au Darfour publié mercredi, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) a elle appelé la communauté internationale à faire pression sur le Soudan "pour faciliter l'accès à la justice (...) pour toutes les victimes, y compris celles de violences sexuelles".
Parallèlement, le pays fait face à d'importants défis économiques.
Un an après le début de la contestation, il subit encore les effets de l'embargo économique américain (1997-2017), car Washington le maintient sur sa liste noire des "Etats soutenant le terrorisme", ce qui de facto l'exclut du système financier international et barre la route aux investissements étrangers.