Fil d'Ariane
Portrait. Le général Abdel Fattah al-Burhan a justifié sa prise du pouvoir lors d’une conférence de presse mardi 26 octobre à Khartoum. Qui est vraiment le chef militaire ayant dissous les autorités de la transition au Soudan ?
Abdel Fattah al-Burhan naît en 1960 à Gandatu, un petit village situé au nord de Khartoum, la capitale soudanaise. Issu d’une famille plutôt pieuse, il commence ses études primaires et secondaires dans son village natal, avant de les terminer dans la ville voisine de Shendi. Il rejoint ensuite la 31e promotion du Collège militaire soudanais.
Après l’obtention de son diplôme, Abdel Fattah al-Burhan intègre l’armée soudanaise. Très vite, il participe à la seconde guerre civile soudanaise, l’un des conflits les plus longs et meurtriers du 20e siècle, dont le dernier épisode commence au Soudan du Sud en juin 1983, et se termine finalement en janvier 2005 [n.d.l.r. la première guerre civile soudanaise s’est déroulée, toujours au Soudan du Sud, de 1955 à 1972].
Afin de parfaire sa formation militaire, Abdel Fattah al-Burhan se rend en Égypte, puis en Jordanie, où il effectue des stages de perfectionnement. À son retour au pays, il poursuit une très riche carrière au cours de laquelle il dirige notamment la force des gardes-frontières, avant de devenir chef d’état-major adjoint des opérations des forces terrestres. À ce titre, il coordonne l’envoi des troupes soudanaises au Yémen, où elles participent à la coalition menée par l’Arabie saoudite, contre les rebelles chiites houthis.
En février 2019, alors que les manifestations contre le régime d’Omar el-Béchir prennent une ampleur inédite, le vieux dictateur nomme le général Abdel Fattah al-Burhan inspecteur général de l’armée soudanaise. Quelques semaines plus tard, le 12 avril 2019, ce haut gradé jusque-là inconnu du grand public, passe de l’ombre à la lumière en prenant la tête du Conseil militaire de transition, au lendemain de la chute d’Omar el-Béchir, renversé après des mois d’une vaste contestation populaire.
Au pied levé, il remplace le général Awad Ibn Auf, désigné le jour de la destitution du président, le 11 avril, mais contraint de jeter l’éponge face à la pression de la rue, aux yeux de laquelle il incarnait les trente années de règne sans partage d’Omar el-Béchir. Apprécié au sein de l’armée et disposant de solides liens avec les pays du Golfe, le profil à priori apolitique du général Abdel Fattah al-Burhan semble alors le plus adéquat pour diriger le Conseil militaire de transition.
Aujourd’hui, après plus de vingt-quatre mois de transition, le général Abdel Fattah al-Burhan apparaît comme l’homme fort du pays. Une partie des populations le tient d’ailleurs pour responsable de l’arrestation, ce lundi 25 octobre, par l’armée, de la plupart des dirigeants civils, dont le premier ministre Abdallah Hamdock. Du reste, quelques heures seulement après ces arrestations, c’est le général al-Burhan qui est apparu à la télévision d’État, pour décréter l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire national et promettre la formation d’un nouveau gouvernement.
Désormais, le général Abdel Fattah al-Burhan, qui était à la tête des autorités de transition avant qu’il n’annonce leur dissolution, incarne exclusivement un pouvoir militaire. Pour les partisans d’un retour au pouvoir des civils, il apparaît donc comme celui qui veut refaire du Soudan la chasse-gardée de l’armée. En revanche, comme le soulignent nos confrères de l’AFP, tous ceux qui le soutiennent le perçoivent comme l’homme providentiel. D’ailleurs, il assure toujours vouloir mener le pays vers un gouvernement civil après des élections fin 2023.