Quand bien même il s’agirait d’un divorce à l’amiable, la sécession du Sud Soudan n’en constitue pas moins un précédent explosif pour un continent africain plus que jamais déchiré par les dissensions régionalistes ou ethniques. La partition du Soudan porte un coup sévère au sacro-saint principe de l’”intangibilité des frontières” héritées de la période coloniale, socle politique de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), aujourd’hui l’Union africaine (UA). UN PRÉCÉDENT À RISQUES ? Au sein de l’UA, qui regroupe 53 États membres (dont 4 suspendus, Côte d'Ivoire, Érythrée, Niger, et Madagascar), un débat de fond oppose partisans et opposants à la partition du Soudan. Les premiers mettent en avant le cas de l’Erythrée qui s’était prononcée en 1993 pour son indépendance face à l’Ethiopie. Les seconds agitent le spectre de la sécession du Biafra dont l’État, proclamé en 1967, s’avéra non viable. Reconnu uniquement par cinq pays (Côte d’Ivoire, Tanzanie, Zambie, Gabon, Haïti), combattu par l’Egypte, l’Union soviétique et le Royaume-Uni, ignoré par les Etats-Unis, la nouvelle entité ne tarda pas à se disloquer pour revenir au bercail nigérian, début 1970. Beaucoup redoutent qu’une fois ce précédent inscrit dans la réalité géopolitique, d’autres minorités ethniques, linguistiques, nationales ou religieuses s’en prévalent tôt ou tard pour exiger à leur tour l’indépendance, au nom du principe cardinal de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. Et de rappeler des conflits déjà ouverts en Côte d’Ivoire, au Mali, au Tchad, en République démocratique du Congo… LA BATAILLE DE L'EAU Avec l’éclosion de l’État du Sud Soudan, l’UA aura un nouveau membre tandis que la Ligue arabe perdra une portion de territoire aussi vaste que la France et le Soudan perdra, du coup, son rang de plus grand pays d’Afrique. Au-delà de la reconfiguration géographique du continent, l’impact géopolitique de la partition du Soudan préoccupe fortement l’Egypte, ce “Don du Nil”, selon l’historien grec, Hérodote. De fait, Le Caire craint que le nouvel État ne se joigne au groupe de pays qui dénoncent l’accord régulant le partage du débit du fleuve, partage jugé trop favorable à l’Egypte (plus des trois-quarts du débit), en vertu d’un accord conclu en 1959.