Fil d'Ariane
L'administration Trump entend mettre fin au budget de USAID, l'Agence d'aide au développement international des États-Unis. Sur les dix premiers pays qui bénéficient le plus des aides américaines, six sont africains. Décryptage sur les conséquences pour l'Afrique.
Drapeau de l'agence américaine pour l'aide au développement international.
Son budget se comptait en dizaines de milliards de dollars en 2020. Aujourd'hui, il est en voie de disparition. La colossale agence américaine pour le développement international, USAID, est dans le viseur de Donald Trump et sa politique de "l'Amérique d'abord". Dès son arrivée au pouvoir, le 47e président des États-Unis a commencé le démantèlement de cette agence qui finance de nombreux projets humanitaires à travers le monde. Fin janvier, il a ordonné, par décret, un gel massif des financements pendant 90 jours. Elon Musk, désormais chef du "département de l'Efficacité gouvernementale", qualifie l'agence de "nid de vipères marxistes".
Un juge fédéral américain a ordonné de la restaurer temporairement, mais sa survie n'est pas garantie. Ces coupes budgétaires mettent en péril notamment les secteurs de la santé, l'éducation et l'agriculture, notamment en Afrique. Les pays du continent se préparent déjà aux conséquences de la nouvelle politique américaine et mettent l'accent sur l'importance de travailler sur leur autosuffisance. Retour sur les origines de l'USAID et les enjeux de sa suspension.
L'agence américaine pour le développement international a été créée par le président J.F. Kennedy en 1961 durant la période de la Guerre froide. Son principal objectif était de contrer l'influence soviétique à l'étranger à travers des aides internationales. Depuis sa création, son fonctionnement et son financement, rappelle l'agence AP, ont été source de débat entre Républicains et Démocrates.
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Ses défenseurs argumentent qu'elle est un levier pour limiter l'influence de la Russie et la Chine. Cette dernière compte son propre programme d'aide au développement et opère dans des pays que Washington voudrait avoir comme partenaires. Mais ses détracteurs estiment qu'elle représente une dilapidation de fonds et plaident en faveur d'un programme économique libéral.
Aux côtés de l'Ukraine, le continent africain est le premier bénéficiaire de l'USAID. Selon les chiffres communiqués par le site officiel, Foreign assistance, la République démocratique du Congo, l'Éthiopie, le Soudan, le Nigeria, le Kenya, l'Ouganda et le Mozambique figurent parmi les premiers de la liste.
Financements de l'USAID en Afrique, 2024
- RD Congo : 1, 34 milliard de dollars
- Éthiopie : 1, 2 milliard de dollars
- Soudan : 700 millions de dollars
- Soudan du Sud : $ 726 millions de dollars
- Nigeria : 762 millions de dollars
- Kenya : 629 millions de dollars
- Mozambique : 586 millions de dollars
- Ouganda : 510 millions de dollars
- Tanzanie : 437 millions de dollars
- Zambie : 408 millions de dollars
- Malawi : 273 millions de dollars
- Mali : 299 millions de dollars
- Burkina Faso : 313 millions de dollars
- Ghana : 187 millions de dollars
- Sénégal : 203 millions de dollars
L'agence finance des programmes très variés, mais la santé est sans doute la plus grande inquiétude. En 2024, l'USAID a alloué un budget de quelque 35,4 milliards de dollars américains, dont 11,5 milliards destinés aux pays du continent africain, selon les données disponibles sur le site officiel foreignassistance.gov.
Dans plusieurs pays, dont le Kenya, de nombreuses personnes atteintes du VIH dépendent de PEPFAR, un programme qui finance une partie des soins contre la maladie. Dans une interview publiée par le média scientifique, The Conversation, la directrice exécutive de l'African population and Health Reaserch, estime que "la plus grande perte pour l'Afrique sous l'égide de l'USAID sera le financement du PEPFAR, qui soutient les programmes de prévention, de dépistage et de traitement du VIH".
Outre le VIH, la lutte contre des maladies telles que la tuberculose ou le paludisme risque d'être entravée et les médicaments seront encore moins accessibles pour les personnes qui vivent dans les zones reculées.
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Au Ghana, les médecins s'inquiètent. "Nous sommes confrontés à d'éventuelles ruptures de stock, qui pourraient entraîner une augmentation des maladies évitables, des décès maternels et une résurgence de virus comme le paludisme et la tuberculose", détaille à l'AFP le directeur médical de la région Nord du service de santé du Ghana, Abdulai Abukari.
Alors que le Programme alimentaire mondial a noté des progrès au cours des deux dernières décennies dans la réduction de la faim au Ghana, le nord rural du pays lutte contre la pauvreté, le changement climatique et des infrastructures médiocres.
"Si nous ne recevons pas les engrais et les semences à temps, nos rendements chuteront considérablement (...) cela signifie moins de nourriture sur les marchés, des prix plus élevés pour tout le monde et d'éventuelles pénuries alimentaires dans tout le pays", s'inquiète M. Iddrisu, un agriculteur du nord du pays. "Cela signifie moins de nourriture pour ma famille et moins d'argent pour payer les frais de scolarité de mes enfants", dit-il à l'AFP.
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Le gel de financements de l'USAID n'est pas la seule mesure de l'administration Trump qui aura des conséquences dans le continent. La loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (AGOA), sera également modifiée.
Promulguée par Bill Clinton le 18 mai 2000 l'AGOA vise à renforcer les relations entre les États-Unis et les pays africains et les encourage notamment à entreprendre des réformes politiques et économiques dans le but de "poursuivre leur développement". Elle facilite aux pays africains l'accès au marché américain.
L'arrêt de cet accord priverai plusieurs centaines de milliers de personnes de leur source de revenus.