Qui ont été les victimes de la répression ?
Lors des premières années du régime, ce sont surtout les sudistes qui ont été les victimes de cette répression ; après la réconciliation avec les chefs rebelles du Sud et le
Général Kamougué, c’est-à-dire après 1985, ce sont surtout les nordistes et les gens de l’Est qui ont été dans le collimateur du régime, car petit à petit, les soutiens nordistes du régime se sont éloignés de Hissène Habré et du coup sont devenus les principales cibles de la répression.
C'est un point important pour bien comprendre le système Habré : il y avait à l'époque une atmosphère de guerre civile alimentée par des règlements de comptes à caractère tribal et communautaire. Dès qu’un chef politique était soupçonné d’avoir rallié l’opposition, toute la famille et tous les membres de son clan devenaient suspects.
Ainsi, quand Hissène Habré a pris le pouvoir et que Kamougué était dans l’opposition, les gens du Moyen-Chari, les gens de Sahr et de sa région, étaient les principaux suspects. C’est l’épisode de “septembre noir”, en 1984, une vague de répression qui a frappé toute la région du Moyen-Chari. Il y a eu sans doute plusieurs centaines de morts dont un certain nombre de personnalités et de chefs de canton.
Puis à partir de 1987-1988, comme les opposants étaient cette fois-ci des nordistes, ce sont les gens des communautés Zaghawa, Arabe, Hadjaraï qui ont été dans le collimateur du régime, notamment après la défection de Idriss Déby en avril 1989, quand il a fui au Soudan. Deux de ses parents ont essayé de fuir avec lui mais ont été rattrapés avant la frontière et ont été torturés et tués. Hissène Habré aurait assisté aux exécutions, c’est l’un des points que le procès éclaircira. L’une des deux personnes exécutées n’était autre que Hassan Djamous, le chef des colonnes tchadiennes qui avaient reconquis le nord du Tchad contre l'armée libyenne en 1986 ; c’était un héros national, l’aéroport de Ndjamena porte son nom aujourd’hui.
Hissène Habré était-il porteur d'une idéologie ?
Oui dans la mesure où on était en période de guerre froide. Il y avait un régime communiste à Moscou, et dans son bras de fer avec Kadhafi et les rebelles tchadiens soutenus par le colonel libyen, Hissène Habré pouvait se présenter comme un défenseur du monde libre contre le monde communiste. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles François Mitterrand a monté deux opérations militaires successives (Manta en 1983 et Epervier en 1986-1987) dont le but était d’empêcher les rebelles tchadiens de
Goukouni Oueddei (ex-président chassé par Hissène Habré) soutenus par Kadhafi de reprendre Ndjamena, puis pour permettre à Hissène Habré et son état-major dirigé par Déby et Djamous de reprendre le nord du Tchad sur l’armée libyenne et les rebelles tchadiens.