Fil d'Ariane
Les Tchadiens votent dimanche par référendum pour ou contre une nouvelle Constitution censée paver la voie à des élections et un retour des civils au pouvoir, promis il y a deux ans et demi par le pouvoir militaire mais repoussé à fin 2024.
Les Tchadiens de N'Djaména partagent leur opinion à l'approche du référendum sur une nouvelle constitution ce dimanche 17 décembre, une étape vers des élections promises puis repoussées par une junte au pouvoir depuis 2021.
Une partie importante de l'opposition et de la société civile, qui appelle à le boycotter, considère toutefois ce scrutin comme un plébiscite destiné à préparer l'élection de l'actuel président de transition, le général Mahamat Idriss Déby Itno, et perpétuer une "dynastie" inaugurée par son défunt père il y a 33 ans à l'issue, déjà, d'un coup d'Etat.
Le "oui" semble favori: le pouvoir militaire a mené une campagne à gros moyens qui a écrasé celle du "non" ou du boycott. Il s'est aussi assuré le ralliement d'un de ses principaux opposants jusqu'alors, Succès Masra, qui appelle à voter "oui", face à une opposition divisée et violemment réprimée depuis plus d'un an.
À N'Djamena, les affiches couvrent les murs pour le "oui" à une Constitution en vue d'un "État unitaire et décentralisé" qui ne diffère pas franchement de celle que les militaires ont abrogée en 2021, consacrant un régime où le chef de l'État concentre l'essentiel du pouvoir.
Une frange de l'opposition, tenante du non, prône le fédéralisme. L'État unitaire est le seul moyen de préserver l'unité, le fédéralisme favoriserait le "séparatisme" et le "chaos", rétorque le camp du "oui".
Les résultats officiels provisoires sont prévus le 24 décembre, la Cour suprême devra les valider le 28.
Les deux principales plateformes des partis et organisations de la société civile hostiles à la junte ont appelé au boycott, espérant qu'une faible participation délégitimera un général qu'elles accusent de perpétuer la "dynastie Déby".
Ce référendum, "c'est pour plébisciter (...) les autorités, ça vise à légitimer purement et simplement la dynastie qu'on voudrait nous imposer", assure à l'AFP Max Loalngar, coordinateur de l'une d'elles, Wakit Tamma, au téléphone depuis un pays d'exil qu'il refuse de nommer.
À 37 ans, Mahamat Déby avait été proclamé par l'armée le 20 avril 2021 président de transition à la tête d'une junte de 15 généraux, à la mort de son père Idriss Déby Itno tué par des rebelles en se rendant au front. Celui-ci dirigeait d'une main de fer depuis plus de 30 ans cet Etat d'Afrique centrale, deuxième pays le moins développé au monde selon l'ONU.
Le jeune général avait aussitôt promis des élections après une transition de 18 mois et s'était engagé auprès de l'Union africaine à ne pas s'y présenter. Dix-huit mois plus tard, son régime prolongeait la transition de deux ans et l'autorisait à être candidat à la présidentielle prévue fin 2024.
À la date anniversaire des 18 mois de transition, le 20 octobre 2022, entre cent et plus de 300 jeunes hommes et adolescents ont été tués par balles à N'Djamena par les policiers et militaires, selon l'opposition et des ONG nationales et internationales.
Pour qu'il y ait une quelconque légitimité, les partis d'opposition et leurs militants doivent se sentir libres de se réunir et de faire campagne. Dans le cas contraire, le référendum risque d'être perçu comme un moyen de transformer le gouvernement de transition en un gouvernement permanent
Human Rights Watch (HRW)
Ils manifestaient pacifiquement contre la prolongation de deux ans.
Plus d'un millier ont été emprisonnés avant d'être graciés, mais des dizaines ont été torturés ou ont disparu, selon ONG et opposition.
Depuis ce "jeudi noir", les manifestations sont systématiquement interdites et nombre de cadres de l'opposition, traqués, ont fui le Tchad.
"Pour qu'il y ait une quelconque légitimité, les partis d'opposition et leurs militants doivent se sentir libres de se réunir et de faire campagne. Dans le cas contraire, le référendum risque d'être perçu comme un moyen de transformer le gouvernement de transition en un gouvernement permanent", s'inquiétait en octobre l'ONG Human Rights Watch (HRW).