Comme en 2010, lors de la précédente élection présidentielle, l’opposition togolaise se présente en ordre dispersé. La coalition Cap 2015 regroupe six partis politiques : l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC, principal parti d’opposition), le Pacte Socialiste Pour le Renouveau (PSR), Santé du peuple, le Parti Démocratique Panafricain (PDP) et Union des Démocrates Socialistes du Togo (UDS) et la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA).
La coalition a choisi de participer à l’élection d’avril prochain « car elle considère que c’est son droit et qu’elle peut gagner face à Faure Gnassingbé malgré le scrutin à un tour », a expliqué Jonas Siliadin à RFI, auteur de Togo, Démocratie impossible. Elle présente un seul candidat : Jean-Pierre Fabre. « Le candidat de Cap 2015 sera bien présent à l’élection. Je vais déposer son dossier de candidature cet après-midi », confie Eric Dupuy, conseiller chargé de la communication de l’ANC et de Cap 2015.
Jean-Pierre Fabre a déjà participé au précédent scrutin, en 2010, mais c’est finalement Faure Gnassinbé qui a obtenu le pouvoir. L’opposition avait crié à la fraude. « Aujourd'hui tout le monde reconnaît que ce scrutin a été entaché de graves irrégularités. Pour empêcher Jean-Pierre Fabre de confirmer son élection, le président avait envoyé les gendarmes et les militaires saisir les procès verbaux ainsi que le matériel informatique qu'il utilisait pour compiler les résultats. Aujourd’hui, il s'agit de transformer son élection volée en 2010. Je pense que la population est très largement derrière lui », assure Eric Dupuy.
De son côté, le Parti des Togolais,emmené par Alberto Olympio, homme d’affaires et petit-neveu du premier président togolais Sylvanus Olympio, exige la garantie d’une élection transparente avant de se présenter à l’élection. S’il dit ne pas « boycotter » le scrutin, Alberto Olympio est formel : « Je ne déposerai pas mon dossier (de candidature) demain car je ne reconnais pas la date du 15 avril. Nous allons droit vers des violences annoncées. Et si je le faisais, ce serait de la trahison, de la complicité ». Et d’ajouter : « Même après le 15 avril, je continuerai à me battre pour des élections transparentes ».
Le Parti des Togolais ne fait pas partie de Cap 2015, la coalition de l’opposition. « On ne nous a pas invités », explique Alberto Olympio. Mais, c’est presque sans regrets car il semble convaincu que les deux entités n’ont « pas les même ambitions pour le pays ».
C’est également ce que pense le Comité d'action pour le renouveau (CAR), un autre parti d’opposition, vis-à-vis de l’ANC. Dans un communiqué, le CAR accuse le principal parti d’opposition «d’avoir définitivement tourné le dos aux réformes et de cautionner la mascarade électorale en cours », selon RFI. Il inviterait également « la population à choisir entre ceux qui la trompent et ceux qui lui disent la vérité ».
Au sein de l’ANC, pourtant, on réfute toute rumeur de division. « Contrairement à ce que RFI a déclaré, il n’y a pas de problèmes entre les autres partis politiques et Cap 2015 », rectifie Eric Dupuy.
La lutte politique au Togo tourne autour des intérêts personnels
Lambert Atisso, journaliste
La division des partis d’opposition au régime de Faure Gnassingbé n’est pas récente. Elle est même ancrée dans l’histoire de la politique togolaise. « Il y a au-delà même du jeu politique, des rancunes et des rancœurs, des animosités qui existent entre les personnes, ce qui fait que très vite les problèmes », affirme Jonas Siliadin, interrogé par RFI. Il ajoute également qu’une partie l'opposition qui utilise la méthode de l'intimidation. « On peut avoir des actes de violence entre les militants de l'opposition. »
Pour Lambert Atisso, ces divergences s’expliquent par le fait que « la lutte politique au Togo tourne autour des intérêts personnels et non autour de la population ». Et selon lui, la population commence à se fatiguer de toutes ces divergences.
Mais lorsqu’on lui demande s’il imagine un scénario à la burkinabé pour son pays, il se montre très peu convaincu. « Penser au scénario burkinabé au Togo, c'est une conclusion hâtive. Au Burkina, ce qui a soulevé la colère, c'est le fait qu'un chef d'Etat qui est là depuis des années veuille aller encore plus loin alors que la Constitution lui interdit. Mais au Togo, les gens sont conscients que rien n'empêche Faure d'aller aux élections. Ici les gens souffrent et ne mangent pas à leur faim, mais est-ce qu'ils sont prêts à descendre dans les rues, à créer un mouvement insurrectionnel, je ne pense pas ». De plus, au Togo, le pouvoir reste solidement soutenu par l’armée et les forces de sécurité.