Fil d'Ariane
Et c’est le 29 novembre 2014, il y a presque trois ans, que Tikpi Atchadam lance officiellement son parti, le PNP, dans une indifférence quasi générale. Il est vrai qu’avec environ 7,6 millions d’habitants, selon les dernières estimations de la Banque mondiale, le Togo compte plus d’une centaine de partis politiques. Depuis son fief de Sokodé, deuxième plus grande ville du pays, située dans la région Centrale, Tikpi Atchadam dirige un parti dont on dit que les financements proviennent principalement de la diaspora installée en Allemagne. S’il a apporté un souffle nouveau à Jean-Pierre Fabre, le pilier historique de l’opposition au président Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005, Tikpi Atchadam ne dispose toujours pas d’un programme politique clair. Beaucoup l’accusent également de manipuler la minorité musulmane à laquelle il appartient.
► Revoir : le 25 août 2017, Tikpi Atchadam répondait aux questions du journal Afrique de TV5MONDE
La coalition des 14 partis d’opposition qui mobilise actuellement la rue, se contente, pour l’instant, d’une base commune à minima : le déverrouillage des institutions, le vote de la diaspora et le retour à la constitution de 1992. Les deux derniers points furent au cœur de la conférence nationale du début des années 1990. A l’époque, toute l’Afrique subsaharienne francophone était alors secouée par un vent de démocratie, qui sonna le glas des régimes autoritaires et des systèmes à partis politiques uniques. Au Togo, le projet de Constitution de 1992 avait été récusé par une partie de l’opposition, qui considérait alors que sa version originelle n’avait été modifiée que pour permettre à feu Gnassingbé Eyadéma d’être candidat. Finalement, elle sera adoptée par référendum. Cette même opposition ne voulait pas non plus du vote de la diaspora. Elle craignait que le pouvoir d’alors ne distribue des cartes d’identité à des non-Togolais, afin de tirer partie de ce vote. Aujourd’hui, les choses semblent avoir changé. Néanmoins, l’on peut s’interroger sur la politique de la chaise vide jouée jusqu’à présent par une partie de la coalition de l’opposition, concernant les réformes qu’elle réclame aujourd’hui à cor et à cri.
Il faut rappeler que l’arrivée au pouvoir, en 2005, de l’actuel président de la République Faure Gnassingbé, avait été suivie d’un chaos politique, qui entraîna la mort de près de 800 personnes et des dizaines de milliers de réfugiés. L’ensemble de la classe politique togolaise s’engagea ensuite dans un vaste dialogue national, sous la houlette de l’ancien président burkinabé Blaise Compaoré. Le 20 août 2006, la signature d’un accord politique global mit un terme à l’une des plus graves politiques que le pays ait jamais connue. Et l’un des points important de cet accord concerne ces fameuses réformes nécessaires à la consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit. Il s’agit notamment des conditions d’éligibilité du président de la république, de la durée et de la limitation des mandats présidentiels, de la nomination et des prérogatives du premier ministre, de l’institution d’un Sénat ou encore de la réforme de la Cour constitutionnelle. Le 5 septembre dernier, un avant-projet de loi portant sur la réforme constitutionnelle a été adopté. Il concerne notamment l’article 59 sur la limitation du nombre de mandats présidentiels : un mandat de cinq ans, renouvelable une fois. Alors que l’Alliance Nationale pour le Changement de Jean-Pierre Fabre réclame cette réforme dans la rue, à l’Assemblée nationale elle joue le boycott.
En 2005 déjà, des milices proches de l’opposition et du pouvoir avaient été impliquées dans les graves violences qui secouèrent le pays. D’où les inquiétudes depuis leur réapparition lors des manifestations des 17 et 18 octobre dernier. Durant ces deux jours de manifestation, ces hommes cagoulés, armés de bâtons, s’étaient positionnés dans des endroits stratégiques de la capitale, Lomé. Les échauffourées qui s’en sont suivies avec les militants de l’opposition ont fait de nombreux blessés. D’ailleurs, le 19 octobre dernier, la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Agnès Romatet-Espagne, a déclaré que la France suivait avec préoccupation la situation au Togo. « Nous condamnons fermement les violences récentes qui ont fait plusieurs victimes, notamment à Lomé et à Sokodé. Nous appelons les parties à l’apaisement et à entamer un dialogue » avait-t-elle indiqué. Quelques jours plus tard, c’est le porte-parole du département d’Etat américain qui se disait préoccupé par « les informations faisant état d’un recours excessif à la force par les forces de sécurité ».
Alors que l’opposition affirme que ces milices sont proches du pouvoir, les autorités togolaises indiquent, quant à elles, qu’il s’agit de groupes d’auto-défense qui souhaitent protéger leurs quartiers du vandalisme des militants de l’opposition.