Tortures, dépeçage, cannibalisme... Les atrocités commises par Wagner au Sahel rapportées devant la CPI

Une violence inouïe se déchaîne sur les discussions Telegram liées au groupe armé Wagner. Des journalistes de l'Associated Press ont eu accès à un rapport confidentiel transmis à la Cour pénale internationale qui détaille les exactions commises par les mercenaires. Il pointe l'utilisation des réseaux sociaux comme un outil de communication pour exposer leur brutalité. 

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Carte tirée de la chronique "Les Mots de la paix" du 9 décembre 2024 de la politologue Niagalé Bagayoko consacrée aux mercenaires en Afrique.

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Des hommes en tenue militaire et parlant russe découpent des corps à l'aide d'une machette, ils extraient des organes et posent fièrement avec des membres coupés. Un combattant dit qu'il s'apprête à manger du foie humain. Un autre raconte qu'il essaie d'extraire un cœur... 

Il ne s'agit pas du scénario d'un film d'horreur, mais d'un rapport juridique transmis à la Cour pénale internationale concernant le groupe Wagner, rapporte Associated Press. Les hommes du groupe militaire, lié à la Russie, auraient commis des crimes de guerre et diffusé sur les réseaux sociaux, en particulier sur la plateforme russe Telegram, des scènes terrifiantes en Afrique de l'Ouest. Certaines images relèveraient même du cannibalisme, selon le document confidentiel consulté par nos confrères de l'agence de presse américaine. 

Wagner a habilement tiré parti des technologies de l'information et de la communication pour cultiver et promouvoir sa marque mondiale de mercenaires impitoyables. Leur chaîne Telegram en particulier, qui décrit leur conduite à travers le Sahel, sert de vitrine publique à leur brutalité.

Lindsay Freeman, directrice du programme Technologie, droit et politique au Centre des droits de l'homme de la faculté de droit de l'université de Berkeley

La violence au Sahel ne cesse de se développer alors que les régimes militaires luttent contre des groupes extrémistes liés à Al-Qaïda et à l'État islamique. En froid avec les pays occidentaux, les gouvernements du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont fait le choix de se tourner vers la Russie et ses mercenaires pour leurs offensives. 

Mais selon les observateurs, cette nouvelle approche a ouvert la voie à des atrocités et à une déshumanisation que la région n'avait pas connue depuis des décennies, pointe l'agence de presse. Et les réseaux sociaux donnent une autre résonance au conflit. Notamment, car ils ouvrent une fenêtre sur les horreurs présumées qui se produisent souvent dans des zones reculées avec peu ou pas de surveillance de la part des gouvernements ou des observateurs extérieurs.

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(Re)voir Mercenaires : Qui sont-ils ? Quel est leur rôle en Afrique ? 

"Wagner a habilement tiré parti des technologies de l'information et de la communication pour cultiver et promouvoir sa marque mondiale de mercenaires impitoyables. Leur chaîne Telegram en particulier, qui décrit leur conduite à travers le Sahel, sert de vitrine publique à leur brutalité", explique auprès de l'AP Lindsay Freeman, directrice du programme Technologie, droit et politique au Centre des droits de l'homme de la faculté de droit de l'université de Berkeley.

"Crimes racistes, documentés par leurs propres auteurs"

Une autre enquête, menée par le magazine mensuel Jeune Afrique, évoque des "crimes racistes, documentés par leurs propres auteurs pour un public à tendance néonazie". Les journalistes qui ont infiltré une chaîne Telegram privée, nommée La chambre rouge, témoignent des échanges et réactions ignobles face à une cruauté extrême : "Sous les images, des émojis de cœurs, de pouces en l’air et de bouteilles de champagne s’amoncèlent, suivis de commentaires enjoués. Un internaute félicite le milicien russe pour son patriotisme ; un autre s’enquiert auprès du tortionnaire du modèle de couteau qu’il a utilisé..."

Une véritable galerie des horreurs expose les exactions, sans filtre et sans pudeur. "On y voit la tête d’un chauffeur de camion, fendue par une balle de 12,7 mm tirée d’une mitrailleuse DshK. La publication est suivie, le 27 août 2024, d’une autre photo, montrant deux têtes plantées sur des piques à l’entrée d’un pont, au Mali. La légende précise : Les Oncles blancs ont laissé un message aux djihadistes", relatent nos confrères de Jeune Afrique. D'autres vidéos où figurent des "actes assimilables à du cannibalisme" ont été identifiées par les journalistes. 

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"Atteinte à la dignité de la personne"

Selon le statut de Rome, à l'origine la Cour Pénale Internationale (CPI), la violation de la dignité personnelle, principalement par le biais de traitements humiliants et dégradants, constitue un crime de guerre. Les experts juridiques de l'université de Berkeley ont soumis le dossier à la CPI l'année dernière, en y incluant l'utilisation des réseaux sociaux par le groupe armé. Si ces images sont difficilement vérifiables, ces experts interrogés par l'AP estiment qu'elles pourraient servir de preuves de crimes de guerre. 

Par ailleurs, "la diffusion en ligne de ces images pourrait constituer le crime de guerre d'atteinte à la dignité de la personne et le crime contre l'humanité d'autres actes inhumains visant à terroriser psychologiquement la population civile", a déclaré à l'AP Lindsay Freeman. Elle précise qu'il existe un précédent juridique dans certains tribunaux européens permettant d'inculper de crime de guerre d'atteinte à la dignité de la personne en se fondant principalement sur les preuves fournies par les réseaux sociaux. Et si la Cour Pénale Internationale de La Haye venait à recevoir cet argument, ce serait une première.