Tunisie: Amnesty et la FIDH fustigent "les propos racistes" de Kaïs Saïed et demandent l'ouverture d'enquêtes
La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et Amnesty international ont condamné "les propos racistes" du président tunisien Kaïs Saïed à l'égard des migrants d'origine subsaharienne. Les deux ONG de défense des droits humains ont exhorté les autorités tunisiennes à des enquêtes indépendantes sur les attaques visant ces migrants.
Des exilés d'Afrique subsaharienne campent devant le siège de l'OIM en Tunisie pour demander une protection de l'agence onusienne face aux violences dont ils sont victimes dans le pays.
AP Photo/Hassene Dridi
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"La FIDH, ses 54 organisations membres en Afrique et ses 188 organisations dans le monde s'opposent de toutes leurs forces aux violences verbales et physiques qui frappent les migrant·es sur le sol tunisien", déclare la présidente de la FIDH Alice Mogwe, dans un communiqué.
"Appeler à la haine contre des gens qui subissent déjà des discriminations, des violences et des privations est particulièrement le summum de la brutalité (...) . J'en appelle particulièrement à la responsabilité des dirigeants tunisiens, quel héritage laisserez-vous dans l'Histoire?", a-t-elle interpellé.
La #FIDH et ses 78 organisations membres en Afrique subsaharienne, au Maghreb et au Moyen-Orient condamnent fermement les propos racistes du Président tunisien #KaïsSaïed et les actes de violences ciblant les migrant·es qui ont suivishttps://t.co/cbIkmcTyyG
"Depuis 15 jours, les organisations membres de la FIDH en Tunisie ont documenté l'exacerbation des violations des droits humains subie par les migrant.es subsaharien·nes vivant dans le pays: arrestations et détentions arbitraires, agressions, expulsions de leur logement, licenciement abusif", dénonce le communiqué.
La FIDH et ses organisations membres appellent à l'ouverture d'une "enquête indépendante" en Tunisie sur cette flambée de violence.
Dans un communiqué ce 10 mars, l'organisation de défense des droits de l'Homme Amnesty International a également exhorté les autorités tunisiennes à "enquêter et tenir pour responsables les auteurs" (des violences, NDLR), "en particulier lorsque des policiers sont impliqués dans les attaques".
Amnesty dit s'être entretenue avec une vingtaine de personnes à Tunis, dont cinq demandeurs d'asile et 15 migrants sans-papiers, originaires du Cameroun, de Sierra Leone, du Ghana, du Nigeria, de Guinée et de Côte d'Ivoire. "Tous ont été attaqués par des foules, et dans le cas de trois personnes, la police était présente mais n'est pas intervenue", dénonce Amnesty.
Une demandeuse d'asile camerounaise de 22 ans, Manuela D., a raconté à Amnesty avoir été attaquée le 24 février devant un café à Tunis par un groupe de six hommes lui lançant des insultes racistes. Après avoir ressenti un coup violent à la nuque et être tombée à terre, elle dit avoir été poignardée et s'"est réveillée à l'hôpital couverte de sang" avec de graves blessures "au sein, à l'abdomen et aux lèvres", a-t-elle relaté, en montrant à Amnesty une photo de ses blessures.
"Les autorités tunisiennes devraient faire en sorte de mettre fin immédiatement à cette vague d'attaques", martèle Amnesty. Les autorités "devraient libérer tous les migrants détenus arbitrairement et s'assurer qu'ils ne soient pas renvoyés contre leur gré" dans leurs pays d'origine, poursuit l'organisation.
Tunisian President Kais Saied must retract his racist and xenophobic comments made during a National Security Council meeting on 21 February, which triggered an upsurge in anti-Black racist violence. https://t.co/xHwRzuB2OE
Le 21 février, le président tunisien Kaïs Saïed avait affirmé que la présence de "hordes" d'immigrés clandestins originaires d'Afrique subsaharienne était source de "violence et de crimes" et relevait d'une "entreprise criminelle" visant à "changer la composition démographique" du pays.
S'en est suivie une recrudescence d'agressions à l'encontre de ces personnes migrantes et des dizaines d'entre eux ont demandé à leurs ambassades à être rapatriés.
Critiqué par de nombreuses ONG, le président Kaïs Saïed a affirmé que son objectif était de faire respecter la "légalité tunisienne concernant les étrangers" et d'empêcher toute "juridiction parallèle aux juridictions de l'Etat", en rejetant les "propos malveillants" de ceux qui "ont voulu interpréter le discours à leur guise pour nuire à la Tunisie".
"Les récentes annonces d'apaisement faites le 5 mars par le président Saied ne comportaient même pas d'excuses", déplore la FIDH. "Lorsque des propos racistes sont répétés, soutenus et assumés par tout un gouvernement, peut-on encore parler de sortie de route?", interpelle-t-elle.