Tunisie : deux mille personnes manifestent contre la corruption
Plus de deux mille personnes ont manifesté samedi à Tunis contre un projet de loi proposé par la présidence prévoyant l'amnistie des faits de corruption en échange d'un dédommagement.
Cinq ans après le printemps arabe, les Tunisiens fêtaient la chute du régime de Ben Ali. Aujourd'hui, ils manifestent pour que le projet d'amnistie d'anciens de ce régime porté par l'actuel président n'aboutisse pas.
"La corruption ne va pas passer", "nous n'allons pas céder", ont scandé les protestataires réunis à l'appel du collectif "Manich Masamah" ("Je ne pardonnerai pas") ainsi que de 52 ONG tunisiennes et internationales et des partis de l'opposition.
Ils ont défilé sur l'avenue Habib Bourguiba, haut lieu de la révolution de 2011 qui a provoqué la chute de la dictature.
Cette mobilisation répond à un discours du président Béji Caïd Essebsi qui a défendu mercredi son projet d'amnistie, présenté en 2015, affirmant qu'il serait examiné au Parlement, sans toutefois donner de date.
"Mobilisation à Tunis en ce moment contre le projet de réconciliation".
Dit "de réconciliation", ce projet prévoit l'amnistie de personnes -hommes d'affaires, anciens du régime du dictateur déchu Zine El Abidine Ben Ali, etc.- poursuivies pour corruption en échange du remboursement à l'Etat des sommes indûment gagnées et d'une pénalité financière.
"Il n'y aura pas de réconciliation sans dévoiler la vérité et sans la poursuite judiciaire et le jugement des corrompus. Ce mouvement de protestation va continuer et dans tout le territoire tunisien", a dit à l'AFP Hamma Hammami, chef du Front populaire (gauche).
Si "le président insiste à passer son projet, nous sommes de notre côté déterminés à lui faire face d'une manière pacifique", a renchéri Issam Chebbi, député et membre dirigeant du parti centriste Al Joumhouri.
Critiquant les appels à manifester, le président Essebsi affirme qu'il vise à "améliorer le climat de l'investissement" dans un pays économiquement en difficulté.
S'arrêtant devant le ministère de l'Intérieur, protégé par un important dispositif de sécurité, les manifestants ont scandé des slogans hostiles au président.
Vendredi, des ONG ont mis en garde contre ce texte qui menace, selon elles, "la justice transitionnelle".
Ce processus lancé en 2013 vise entre autres à faire la lumière sur les multiples violations des droits de l'Homme des dernières décennies, mais aussi à stimuler la réconciliation en donnant un sens de justice aux victimes d'abus du temps de la dictature, y compris de la corruption.