Le président tunisien a obtenu dimanche 90,7% de suffrages pour un taux de participation de 28,8%. Kais Saied a aussitôt réaffiché son ambition de "poursuivre la Révolution de 2011" pour bâtir "un pays nettoyé des corrompus et des complots."
Kais Saied a remporté l'élection présidentielle tunisienne 2024
En réponse à ce score écrasant, la société civile tunisienne accuse le président réélu de "dérive autoritaire" lors d'un scrutin "verrouillé" à l'avance et marqué par un record d'abstention. Estimé à plus de 70%, ce taux d'abstention est le plus élevé depuis l'avènement de la démocratie en 2011 dans ce berceau du Printemps arabe.
Sur 17 candidatures au départ, l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) n'avait retenu que deux concurrents face à Kais Saied. Il s'agit de Ayachi Zammel, un industriel libéral de 47 ans qui n'a pas pu faire campagne car emprisonné depuis septembre pour falsification de parrainages. Il n'a recueilli que 7,35% des voix devant l'ancien député de la gauche panarabe. L'ancien soutien du régime, Zouhair Maghzaoui a obtenu 1,97% seulement.
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Les ONG tunisiennes et étrangères ont dénoncé une ISIE "ayant perdu son indépendance" et un processus "faussé en faveur de M. Saied". L'expert Michaël Ayari de l'International Crisis Group prédisait alors une victoire "haut la main" du président sortant.
L''expert précisait à l'AFP que le dépôt des candidatures s'était apparenté à une course d'obstacles avec un nombre élevé de parrainages exigé, l'emprisonnement de candidats potentiels connus, et l'éviction par l'Isie des concurrents vraiment dangereux pour Kais Saied.
L'Union européenne a dit avoir "pris note" des critiques de différentes ONG et opposants "concernant l'intégrité du processus électoral" et "différentes mesures jugées préjudiciables aux exigences démocratiques de crédibilité" du scrutin.
Le président tunisien réélu Kais Saied a promis de "poursuivre la Révolution de 2011" pour bâtir "un pays nettoyé des corrompus et des complots." A 66 ans, l'ancien professeur de droit constitutionnel envisage de parachever le processus de réforme enclanché en Tunisie.
Depuis le printemps 2023, plus d'une vingtaine d'opposants dont le chef d'Ennahdha Rached Ghannouchi et la passionnaria nostalgique de l'ère Ben Ali, Abir Moussi, ont été emprisonnés. Ces derniers mois, des syndicalistes, avocats, chroniqueurs politiques et des défenseurs des droits des migrants se sont aussi retrouvés en prison.
Devenu président à la surprise générale en 2019, avec 73% des suffrages et une participation de 58%, Kais Saied "conserve son socle électoral", a souligné à l'AFP l'analyste tunisien Hatem Nafti, même s'il a perdu plus de 300.000 voix par rapport à sa première élection. Selon l'autorité électorale, il a obtenu cette année les suffrages d'un peu plus de 2,4 millions d'électeurs sur 9,7 millions d'inscrits.
Après la diffusion dimanche soir d'estimations le donnant largement victorieux, plusieurs centaines de ses partisans sont descendus pour l'acclamer sur l'avenue principale de Tunis, à coups de klaxons et de chants patriotiques. Mais les jeunes très mobilisés il y a cinq ans, ont déserté les urnes, avec 6% de votants dans la tranche d'âge entre 18 et 35 ans, selon des chiffres donnés dimanche par l'ISIE face à une participation de 65% chez les 36-60 ans.