Fil d'Ariane
Kamel Feki est, depuis cette nuit, le nouveau ministre de l'Intérieur tunisien. Kais Saied a nommé ce préfet de Tunis pour succéder à Taoufik Charfeddine, en poste depuis octobre 2021.
Ancien cadre du ministère des Finances, Kamel Feki fait partie du cercle très proche de Kais Saied et défend fortement ses décisions.
Taoufik Charfeddine avait affirmé à la presse avoir demandé à Kais Saied de mettre fin à ses fonctions et l'a "remercié pour s'être montré compréhensif et d'avoir autorisé à être relevé de mes responsabilités au ministère de l'Intérieur". Son épouse et la mère de leurs trois enfants est décédée en juin 2022 à la suite d'un incendie causé par une fuite de gaz dans leur résidence.
"Le temps est venu pour que je me consacre à cette responsabilité qu'elle m'a laissée", a ajouté Taoufik Charfeddine. Cet ex-avocat était l'un des piliers de la campagne électorale qui a conduit Kais Saied à la présidence en 2019.
Taoufik Charfeddine avait brièvement occupé le portefeuille de l'Intérieur entre septembre 2020 et janvier 2021 avant d'être écarté sous pression du parti d'inspiration islamiste Ennahdha, bête noire du président et à l'époque principale force au Parlement que le chef d'État a suspendu lors de son coup de force de juillet 2021.
Nommé de nouveau à l'Intérieur par Kais Saied en octobre 2021, il a depuis joué à ce poste un rôle de premier plan au côté du chef de l'État dans la mise en place d'un nouveau système hyper-présidentialiste décrié par ses détracteurs comme une dérive autoritaire qui a sonné le glas de la démocratie née de la première révolte du Printemps arabe en 2011.
Des ONG tunisiennes avaient ainsi appelé le 8 mars Taoufik Charfeddine à s'excuser après un discours "violent et dangereux" lors duquel il a qualifié de "traîtres" des médias, des syndicalistes, des hommes d'affaires et des partis politiques.
Dans une déclaration au vitriol la veille lors d'un déplacement à Ben Guerdane près de la frontière avec la Libye, le ministre s'en était pris aux "mercenaires des médias, hommes d'affaires, syndicalistes et partis qui ont vendu la patrie".
"Ce sont des traîtres", avait-t-il ajouté, appelant les Tunisiens à soutenir le président Saied, "un homme honnête et patriote"
Dans un communiqué conjoint, plus de 30 organisations, dont la centrale syndicale UGTT et la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, ont dénoncé un "discours minable", "sectaire" et qui "crée la division".
Fustigeant "le langage de menace et d'intimidation" employé, elles ont estimé qu'il s'agissait d'"un discours populiste dangereux qui présage un État policier" rappelant le système en place sous la dictature de Zine El Abidine Ben Ali, renversé en 2011.
La présidence tunisienne diffusait régulièrement des vidéos des fréquentes réunions entre Kais Saied et Taoufik Charfeddine au palais de Carthage.
Lors d'une récente rencontre, le 23 février, Kais Saied avait appelé les autorités à "veiller" sur les migrants originaires d'Afrique subsaharienne, deux jours après avoir suscité un tollé avec un discours jugé "raciste et haineux" en dénonçant l'arrivée en Tunisie de "hordes de migrants" et un complot "pour changer la composition démographique" du pays.