Les opposants du président tunisien Kaïs Saïed sont vent débout ce mardi après sa décision de prolonger d'un an le gel du Parlement, y voyant une nouvelle dérive autoritaire, à trois jours du 11ème anniversaire de la révolte ayant renversé la dictature.
Excluant tout "retour en arrière" quatre mois et demi après avoir suspendu le 25 juillet le Parlement dominé par le parti d'inspiration islamiste Ennahdha, sa bête noire, Kaïs Saïed a procédé à une dissolution qui ne dit pas son nom de l'assemblée en prolongeant son gel jusqu'au nouveau scrutin législatif dont il a fixé la date au 17 décembre 2022.
Le chef de l'Etat a aussi annoncé, dans un discours lundi soir, un référendum pour le 25 juillet sur des amendements de la Constitution, qu'il veut plus présidentielle, et de la loi électorale qui régira les législatives.
En pleine crise socio-économique et sanitaire et après des mois de blocage politique, M. Saïed, élu au suffrage universel fin 2019, a invoqué en juillet dernier un "péril imminent" pour limoger le Premier ministre soutenu par Ennahdha, suspendre les activités du Parlement et reprendre en main le pouvoir judiciaire.
- (Re)voir - Tunisie : un coup de force constitutionnel ?
L'opposition dénonce un monopole du pouvoir
"Son discours peut se résumer ainsi : je suis l'Etat, je suis le président, je suis le gouvernement, je suis la justice, je suis la commission électorale, je suis le peuple, je suis le prophète infaillible", a réagi sur sa page Facebook le député d'opposition Hichem Ajbouni.
"Ceux qui (...) ont eu l'honneur de se battre pour faire échec au coup d'Etat continueront sur cette voie", a pour sa part affirmé sur le même réseau
social, Jaouhar ben Mbarek, l'un des opposants le plus en vue au président Saied.
Un "refus d'écouter qui que ce soit"
Pour le député Samir Dilou, ex membre d'Ennahdha, "Saied va lancer un référendum électronique susceptible de faire de la Tunisie un objet de risée". "L'allocution de Saied traduit l'état de déni dans lequel il vit et son refus d'écouter qui que ce soit", a-t-il ajouté dans une interview au quotidien Assabah.
Pour l'analyste politique Slaheddine Jourchi, le président Saïed "semble déterminé à mener à bien son projet politique, faisant fi des pressions à la maison et de l'étranger". "Il essaye de couper l'herbe sous les pieds de ses opposants en annonçant un calendrier avec des dates précises", a déclaré M. Jourchi à l'AFP.
"La tension va perdurer"
"Le gros problème réside dans le fait qu'il va continuer à gouverner par décrets. Son conflit politique avec ses opposants va s'aggraver et la tension va perdurer", ajoute M. Jourchi
- (Re)voir - Tunisie : comment la diaspora tunisienne vit le renversement de la situation politique du pays ?
"J'ai retenu le fait qu'il y aura des élections le 17 décembre 2022. Je pense que c'est trop loin. Il est en train de gagner du temps", estime un autre Tunisois, Nidhal, 35 ans.