24.10.2013Avec AFPLe climat était très tendu en Tunisie ce jeudi 23 octobre. Le pays observait un deuil national de trois jours après la mort de six gendarmes dans une nouvelle attaque prêtée à la mouvance jihadiste réputée proche du pouvoir. Deux régions du centre du pays étaient en grève générale et le local du parti islamiste Ennahda a été incendié au Kef (nord-ouest), ville d'origine d'un des agents tués. Parallèlement, l'opposition réclame que le gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda s'engage à démissionner dans les trois semaines suivant le lancement des négociations pour laisser la place à une équipe d'indépendants. Ce calendrier a été prévu par une feuille de route rédigée par des médiateurs. Ces pourparlers, prévus mercredi, ont été reportés à vendredi, les opposants jugeant que le Premier ministre Ali Larayedh n'avait pas répondu à leur condition en n'annonçant qu'un "engagement sur le principe de renoncer au gouvernement" sans évoquer de délais. L'un des principaux partis d'opposition, Nidaa Tounès, a, dans ce contexte, exclu ce jeudi le lancement de pourparlers pour sortir le pays d'une profonde crise politique "sans un engagement écrit du gouvernement à démissionner". Adoption d'une Constitution Le syndicat UGTT, principal médiateur de la crise, a indiqué vouloir obtenir les "éclaircissements" du Premier ministre et a affirmé que les négociations allaient débuter vendredi matin. Cette crise paralyse la vie politique et institutionnelle depuis l'assassinat en juillet d'un député d'opposition attribué aussi aux jihadistes. Outre la mise en place d'un cabinet apolitique, ces négociations doivent aboutir à l'adoption de la Constitution, en cours d'élaboration depuis deux ans, la rédaction d'une loi électorale et des dates pour les prochains scrutins. L'opposition accuse Ennahda d'avoir fait preuve de laxisme face au courant salafiste et de faillite sur le plan sécuritaire. Le pouvoir assure être en "guerre contre le terrorisme" ce qui implique des pertes. Mobilisation Dans les régions du Kef, de Sidi-Bouzid et de Kasserine, les obsèques des six gendarmes tués la veille ont débuté dans l'après-midi et des milliers de personnes y participaient. Les proches de ces agents ont indiqué à l'AFP avoir refusé la présence de tout représentant officiel, témoignant de la colère de la population mais aussi des forces de l'ordre face à la multiplication des attaques. "Nous refusons leurs condoléances, leur présence et en premier lieu celle d'Ali Larayedh", a indiqué Jamel Salhi, le frère d'une des victimes de Sidi Bouzid. "Je suis choquée, ces martyrs le sont parce qu'ils n'ont pas d'équipements suffisants", s'est emporté le père du défunt, Afif Salhi. Au Kef, dans la matinée, une foule de manifestants a saccagé et incendié le local d'Ennahda sans que la police n'intervienne, avant de brûler dans la rue le contenu de ces bureaux. A Sbeïtla (région de Kasserine), des milliers de personnes, encadrées par les forces de sécurité, ont accompagné sur deux kilomètres le cercueil du gendarme Tahar Chebbi, 43 ans et père de quatre enfants. A Sidi-Bouzid comme à Kasserine (centre-ouest), l'ensemble des institutions publiques et les écoles étaient fermées à la suite d'un appel à la grève générale des antennes de l'UGTT. A Kasserine, ville située au pied du mont Chaambi où l'armée pourchasse depuis des mois un groupe lié à Al-Qaïda, des manifestants brûlaient des pneus dans les rues. Enfin, à Menzel Bourguiba (nord) où un policier a été tué mercredi soir dans un incident séparé attribué aussi à des jihadiste, onze militants salafistes ont été arrêtés, a indiqué le ministère de l'Intérieur. Une source au sein de la police à Sidi Bouzid, région où l'attaque qui a ensanglanté la gendarmerie a eu lieu, a indiqué à l'AFP que deux kalachnikovs, deux ceintures d'explosifs et des documents sur les projets du groupe armé ont été retrouvés dans la maison servant de refuge aux combattants. L'un a été tué mercredi, d'autres sont encore en fuite.