Tunisie : la détresse des migrants subsahariens

Des dizaines de migrants subsahariens errent depuis des mois entre les bureaux du Haut commissariat aux réfugiés et ceux de l'OIM. Venant de Sierra Leone, de Guinée Conakry, du Cameroun, du Tchad ou du Soudan, des pays souvent sans ambassade à Tunis, ils se sont retrouvés d'un jour à l'autre privés de tout moyen de subsistance, à la rue.
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Devant l'OIM à Tunis, le 1er mars 2023.
© twitter Stéphanie Pouessel
Devant l'OIM à Tunis, le 1er mars 2023.
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Ivoiriens campant devant le siège de leur ambassade à Tunis le 25 février 2023.
© Reuters
Ivoiriens campant devant le siège de leur ambassade à Tunis le 25 février 2023.
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Devant l'OIM à Tunis, le 1er mars 2023, des abris de fortune dressés par des migrants subshariens à la rue.
© twitter Stéphanie Poessel
Devant l'OIM à Tunis, le 1er mars 2023, des abris de fortune dressés par des migrants subshariens à la rue.
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"En Sierra Leone, je n'ai plus de famille, ici je n'ai nulle part où aller, s'il vous plaît aidez-nous", implore Natasha, les larmes aux yeux, devant les bureaux de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) à Tunis.

Elle est venue ces derniers jours grossir les rangs de dizaines de migrants subsahariens en situation irrégulière qui errent depuis des mois entre les bureaux du HCR (Haut commissariat aux réfugiés) et ceux de l'OIM, dans l'élégant quartier du Lac à Tunis.

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Moumin Sow, 29 ans, a fui Sfax (centre-est), où il travaillait comme barman depuis deux ans : "des bandits tunisiens sont entrés chez nous et nous ont tout pris. Regardez-moi je n'ai que les habits que je porte. Je n'ai rien à part mon téléphone". Ecœuré, il veut rentrer au Mali : "je suis parti parce que je voulais sauver ma vie. Je ne peux pas rester avec toutes les choses que je vois ici".

Une centaine d'Ivoiriens et de Maliens qui s'étaient réfugiés dans ou devant leurs ambassades à Tunis ont été pris en charge en urgence, avant des rapatriements prévus dans les prochains jours.

Un premier rapatriement a été organisé par la Guinée le 1er mars et un vol pour 150 personnes est programmé par Bamako pour le 4 , selon un diplomate malien.
 

Abris de fortune, brasero improvisé avec un tronc d'arbre et linge qui sèche sur un fil entre deux maigres arbustes, l'impasse juste devant la porte de l'OIM s'est transformée en campement.

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Des employés sortent pour recenser les migrants qui affluent et leur fixer des rendez-vous pour qu'ils exposent leur situation. "On est débordés, on ne peut pas leur trouver un hébergement à tous, certains veulent bénéficier de nos programmes de retour volontaire (avec aide à la réinstallation)", glisse anonymement à l'AFP une responsable par téléphone.

L'anthropologue et co-fondatrice de l'ONG écologiste Vélorution Tunisie Stéphanie Pouessel témoigne sur twitter et dénonce une situation intolérable :
 

C'est le cas de Diallo Issagha, 24 ans: "je suis arrivé il y a un mois et me suis retrouvé dans cette crise, c'est trop dur, on te met dehors, tu ne peux pas travailler, mais je ne peux pas repartir sans rien".

Des aides en cachette

Natasha et ses amies excluent de retourner en Sierra Leone. "J'ai emprunté l'argent pour venir, je veux aller ailleurs, en Europe ou n'importe où, mais pas rester ici. Que le monde nous vienne en aide", lance la jeune femme arrivée il y a deux mois.

À la nuit tombée, des bénévoles tunisiens et étrangers apportent de la nourriture, de l'eau, des couvertures, quelques tentes, collectés par des associations tandis que de jeunes médecins prodiguent des soins.



"Nous préférons être discrets", confie à l'AFP Seif Ghrairi, du Front anti-fasciste, un collectif qui s'est formé après le discours du président Saied. Selon lui "des associations qui collectaient des dons ont fait l'objet de menaces".
Les bénévoles préfèrent "faire la distribution le soir, de façon clandestine, pour ne pas nous exposer à des dangers ni les Subsahariens", ajoute-t-il, déplorant "une campagne raciste contre la peau noire".
 

Seif Ghrairi demande aux autorités de garantir un minimum de droits aux migrants subsahariens: "on exige le respect de la dignité humaine, le respect du choix des personnes, il ne peut pas y avoir de rapatriements forcés". "Comme on exige le respect du droit des Tunisiens partis de manière irrégulière en Europe, on exige le respect des droits des Subsahariens en Tunisie", ajoute-t-il.