Fil d'Ariane
Cinq ans plus tard, le Quartette à l'initiative du dialogue national pour la transition démocratique s'est vu remettre le Prix Nobel de la Paix, et les premières pierres du "musée de la révolution" ont été posées, ce 17 décembre, à Sidi Bouzid. Mais cette région où est née la révolution reste encore très déshéritée : "aucune réforme n’a été entreprise pour sortir ces gens de l’extrême pauvreté", écrivent quatre artistes tunisiens dans une tribune publiée sur RUE89.
Le pays fait figure d’exemple dans la région après avoir réussi sa transition politique chaotique. Les débats sur la nouvelle Constitution ont duré des mois, pendant lesquels deux figures politiques du pays ont été assassinées : le député Chokri Belaïd et le député Mohamed Brahmi.
Dans la région défavorisée de Sidi Bouzid, le chômage touche 46% des jeunes diplômés. Un chiffre record dans le pays où plus d'un jeune sur trois reste sans emploi après avoir décroché son diplôme. Au niveau national, le taux de chômage dépasse les 15%.
Ce contexte économique et le chaos libyen aux frontières du pays participent de la radicalisation de certains jeunes. Le plus grand nombre de combattants étrangers du groupe Etat islamique en Syrie et en Irak vient de Tunisie. Ils seraient 3000 selon le ministère de l'Intérieur tunisien et plus de 5000 selon l'ONU.
Cette année, la Tunisie a été frappée par trois attentats majeurs (lire l'encadré) qui ont beaucoup fragilisé l'économie du pays et tout particulièrement celle du tourisme après les attaques contre le musée du Bardo, puis contre un hôtel à Sousse.
18 mars : 21 touristes étrangers et un policier tunisien sont tués dans un attentat contre le musée du Bardo à Tunis.
26 juin : une attaque contre l'hôtel Riu Imperial Marhaba près de Sousse (centre-est) fait 38 morts, dont 30 Britanniques.
24 novembre : un attentat suicide en plein Tunis coûte la vie à 12 membres de la garde présidentielle. (source AFP)
A ces attentats s'est ajouté un acte atroce qui a ému le pays et accentué davantage le sentiment d'insécurité. Le 13 novembre, des djihadistes se réclamant de l’EI ont décapité un berger de 16 ans sur le mon Mghilla, près de Sidi Bouzid. La victime était accusée d’être un informateur.
Sur Twitter, une membre de la constituante à l'Assemblée nationale postait une image modifiée d'un plateau du jeu Monopoly version tunisienne, où ne figurent que des cases "prison".
La nouvelle version du jeu de société Monopoly en #Tunisie (pêcho sur FB) #Revolution pic.twitter.com/Nk08NmS4wL
— Karima Souid (@KarimaSouid) 17 Décembre 2015
Une référence peut-être à l'arrestation de l'activiste Aafra Ben Azza, une lycéenne de 17 ans, jugée ce 17 décembre pour avoir manifesté contre la destruction d'un café historique de la vielle ville de Kef.
Mardi 16 décembre, treize ONG tunisiennes dénonçaient de leur côté les condamnations de six étudiants de Kairouan à trois ans de prison ferme pour "pratiques homosexuelles". Ils ont été aussi interdits de séjour pendant trois ans dans leur ville.
Les ONG demandent l'abrogation de l'article 230 du code pénal tunisien qui pénalise lourdement l'homosexualité. "Ces condamnations contredisent le droit international et sont contraires au droit à la vie privée et à la non-discrimination en vertu de la constitution" tunisienne de 2014, rapporte l'AFP.
Village People #tunisie #Art230 pic.twitter.com/9fio0Bi5GT
— willis from tunis (@willisfromtunis) 17 Décembre 2015
Cinq ans après le début de la révolution tunisienne, le pays reste très fragilisé. "La Tunisie est aujourd'hui à la croisée des chemins, écrit la militante Zeineb Turki sur sa page Facebook. Soit elle consolide les acquis de ces cinq dernières années en balisant sans détour le chemin vers un Etat de droit et une démocratie respectueuse de la citoyenneté et des droits humains. (...) Soit elle continue à banaliser les atteintes multiples et répétées aux droits humains et aux libertés individuelles, transformant le pays en une prison à ciel ouvert et nourrissant les frustrations dues aux injustices et aux abus de pouvoir et là le monstre grandira et finira par lui échapper. Il est encore temps de faire le bon choix."