Fil d'Ariane
Le candidat à la présidentielle Ayachi Zammel a été condamné à 12 ans de prison, venant s'ajouter à deux verdicts récents. À quelques jours seulement du scrutin de dimanche 6 octobre, "il reste en lice", déclare son avocat.
Lors d'un point presse de maître Abdessatar Messaoudi, l'avocat du candidat à la présidentielle Ayachi Zammel, dont on voit l'affiche derrière le cameraman, le 16 septembre 2024 à Tunis.
"Le tribunal de première instance de Tunis 2 a condamné Ayachi Zammel à 12 ans de prison dans quatre affaires liées aux parrainages, trois ans pour chaque dossier, et lui a interdit d'aller voter", précise le 1 octobre son avocat, Maître Abdessater Messaoudi.
Le 25 septembre, Zammel a été condamné à six mois de prison par le tribunal de Jendouba pour "falsification de documents", une peine qui se cumulait à une précédente condamnation de 20 mois de prison par le même tribunal le 18 septembre, toujours pour les mêmes accusations. Au total 37 poursuites séparées sont lancées à son encontre dans tous les gouvernorats (régions) de la Tunisie pour des motifs similaires, selon Maître Messaoudi.
La justice reproche à Ayachi Zammel d'avoir enfreint les règles sur les parrainages, réputés particulièrement difficiles à réunir selon les experts. Il fallait soit 10.000 signatures d'électeurs, soit de 10 parlementaires ou de 40 élus de collectivités locales.
Ayachi Zammel, un industriel de l'agro-alimentaire et ancien député, inconnu jusque là du grand public, a été arrêté le 2 septembre, le jour-même de la confirmation de sa candidature par l'autorité électorale Isie. Agé de 47 ans et chef du parti libéral Azimoun, il est l'un des trois candidats retenus dans une liste "définitive" de l'Isie, aux côtés du président sortant Kais Saïed, 66 ans, et de Zouhair Maghzaoui, 59 ans, un ancien député de la gauche panarabiste.
En détention, Ayachi Zammel ne peut pas faire campagne mais son équipe diffuse régulièrement sur Facebook des vidéos enregistrées avant son arrestation. Une coalition de l'opposition de gauche et de personnalités proches du parti islamo-conservateur Ennahdha, formation qui avait soutenu le président Saied en 2019, ont appelé à voter en sa faveur pour "tourner la page" de l'ère Saied.
Des ONG tunisiennes et étrangères ont critiqué ces dernières semaines le processus de sélection des candidatures. Human Rights Watch a dénoncé le fait qu'"au moins huit candidats potentiels (ont) été poursuivis en justice, condamnés ou emprisonnés" et, de facto, "empêchés de se présenter".
L'Isie a aussi été accusée par plusieurs ONG d'avoir "perdu son indépendance" pour avoir exclu trois concurrents réputés très sérieux du président Saied, dont Mondher Zenaïdi, un ancien ministre, malgré leur réadmission par le tribunal administratif.
D'autres prétendants au poste se sont plaints d'avoir été entravés sur le plan administratif pour obtenir divers documents (formulaires de parrainage, casier judiciaire, etc..) permettant de constituer leurs dossiers.
Plusieurs manifestations ont été organisées ces dernières semaines par des défenseurs des droits humains pour dénoncer "une politique répressive" et "un retour de la dictature" dans le berceau du Printemps arabe en 2011.