En Tunisie, les grandes manoeuvres politiques ont commencé en vue de la présidentielle. Le Président Essebsi prend ses distances avec les islamistes et le Premier ministre joue cavalier seul. Le parti Ennahda se place désormais en faiseur de roi des élections de 2019.
"Les relations entre Beji Caïd Essebsi et Ennahdha sont interrompues et c'est Ennahda qui en est l'origine." a déclaré le président tunisien lors d'une interview lundi 24 septembre sur une chaîne de télévision privée.
Une déclaration qui sonne comme une rupture personnelle avec Ennahda . Cette annone révèle surtout une lutte de pouvoir au sein du parti présidentielle Nidaa Tounès, entre le clan Essebsi et le Premier ministre Youssef Chahed.
L'ambitieux chef du gouvernement se voit en chef de file de son parti. Le président, son mentor, lui préfère son fils Hafedh Caïd Essebsi a qui il a d'ailleurs confié de manière officieuse les clefs du parti.
Une guerre intestine qui a plongé Nidaa Tounès dans la crise et qui pousse Youssef Chahed dans les bras du parti allié Ennahda. Les islamo-conservateurs ont de quoi séduire : 69 sièges au Parlement tunisien qui en font la principale force de l'hémicycle. Un atout de taille pour le Premier ministre en vue des élections générales de 2019 et au-delà .
Aujourd'hui, il y a une grande coalition de 110 députés. Le président du gouvernement aura donc une majorité absolue au sein du parlement ce qui lui permettra de changer, de renouveler et d'adopter des lois. Le soutien d'Ennahda est donc important pour construire cette majorité. Nizar Makni, journaliste et analyste politique
Du côté d'Ennahda on préfère temporiser pour ne pas complétement s'isoler politiquement et ne pas tourner le dos au parti présidentiel. Peut-être aussi un peu échaudé par leur expérience raté au pouvoir en 2012 et 2013.
L'alliance avec Nidaa Tounès, à l'origine un parti anti-islamiste, a semblé contre nature mais a permis à la Tunisie de connaître 4 ans d'une certaine stabilité politique dans un pays encore démocratiquement très fragile.
Le consensus est inéluctable en Tunisie et il faut continuer sur cette lancé parce que c’est ce qui a permis à la Tunisie de tenir le cap par rapport à la transition démocratique et à favoriser le statut de la Tunisie en tant qu’exception dans toute la région. Naoufel Jammali, député du parti Ennahda
Malgré tout pour ce parti qui se définit désormais comme « démocrate musulman », la tentation est grande de miser sur une alliance avec Youssef Chahed, pour s'éloigner de l'influence du clan Essebsi.
Et c'est l'équilibre démocratique précaire du pouvoir qui pourrait être rompu si le paysage politique venait à se redessiner. Sur fond de grogne sociale, c'est toute la campagne électorale qui pourrait devenir électrique.