Fil d'Ariane
Pour le FSN, dont fait partie le mouvement d'inspiration islamiste Ennahdha, bête noire de Kaïs Saïed, en n'allant pas aux urnes, "75% des Tunisiens ont refusé de donner leur approbation au projet putschiste lancé il y a un an par Kaïs Saïed ".
La Tunisie, confrontée à une crise économique aggravée par le Covid et la guerre en Ukraine dont elle dépend pour ses importations de blé, est très polarisée depuis que Kaïs Saïed , élu démocratiquement en 2019, s'est emparé de tous les pouvoirs le 25 juillet 2021, arguant d'une ingouvernabilité du pays.
Lire : Que prévoit le projet de Constitution du président Kaïs Saïed ?
Dans la première prise de position étrangère sur ce référendum contesté, les Etats-Unis ont mis en garde contre le risque que la Constitution ne garantisse pas suffisamment les droits et libertés des Tunisiens.
Tunisie : vers une réforme de la Constitution après la victoire du “oui” au référendum.
"La nouvelle Constitution inclut des mécanismes de contrepoids affaiblis, qui pourraient compromettre la protection des droits humains et des libertés fondamentales", s'est inquiété Ned Price, porte-parole du département d'État américain.
Said Benarbia de l'ONG Commission internationale des juristes a émis des doutes "sur la légitimité" du vote avec une aussi faible participation.
La Tunisie est entrée dans une nouvelle phase.Kaïs Saïed.
Dès la publication des estimations de l'institut de sondage indépendant Sigma Conseil des centaines de partisans du président sont descendus fêter "sa victoire" sur l'avenue Bourguiba, dans le centre de Tunis.
Vers 01H00 GMT, Kais Saied s'est présenté devant la foule en liesse. "La Tunisie est entrée dans une nouvelle phase", a-t-il dit, assurant que la Constitution permettrait de passer "d'une situation de désespoir à une situation d'espoir".
Les votants étaient surtout "les classes moyennes les plus lésées, les adultes qui se sentent floués économiquement, politiquement et socialement", a analysé pour l'AFP le directeur de Sigma Conseil, Hassen Zargouni.
La nouvelle Constitution accorde de vastes prérogatives au chef de l'Etat, en rupture avec le système parlementaire en place depuis 2014. Le président qui ne peut être destitué désigne le chef du gouvernement et les ministres et peut les révoquer à sa guise.
Il peut soumettre au Parlement des textes législatifs qui ont "la priorité". Une deuxième chambre représentera les régions, en contrepoids de l'Assemblée des représentants (députés) actuelle.
Sadok Belaïd, le juriste chargé par Kaïs Saïed d'élaborer une ébauche de Constitution, a désavoué le texte final, estimant qu'il pourrait "ouvrir la voie à un régime dictatorial".
Les défenseurs des droits humains et l'opposition dénoncent l'absence de contrepouvoirs et de garde-fous dans ce texte.
Kaïs Saïed, 64 ans, considère cette refonte comme le prolongement de la "correction de cap" engagée le 25 juillet 2021 quand, arguant des blocages politico-économiques, il a limogé son Premier ministre et gelé le Parlement avant de le dissoudre en mars.
Si des espaces de liberté restent garantis, la question d'un retour à une dictature comme celle de Zine el Abidine Ben Ali, déchu en 2011 lors d'une révolte populaire, pourrait se poser "dans l'après Kaïs Saïed ", selon M. Cherif.
Pour nombre d'experts, l'avenir politique du président tunisien dépendra de sa capacité à relancer une économie dans une situation catastrophique avec un chômage très élevé, un pouvoir d'achat en chute libre et un nombre de pauvres qui augmente.