Son avocat avait indiqué, le 12 septembre, que l'ex-président tunisien était « malade ». Une information qui confirmait des rumeurs jusqu'alors démenties à plusieurs reprises.
Le Premier ministre tunisien Youssef Chahed, candidat à la présidentielle, avait alors déclaré qu'il autoriserait l'ancien président Ben Ali à rentrer au pays si les rumeurs sur son état de santé critique étaient avérées. "Je donnerais mon feu vert pour son retour. C'est un cas humanitaire ", avait-il déclaré.
Son décès a finalement été annoncé sur Facebook par son avocat ce jeudi 19 septembre après-midi puis confirmé par le ministère des Affaires étrangères.
Issu d'une famille modeste du centre-est, Ben Ali, 83 ans, est décédé jeudi à Jeddah, en Arabie saoudite, où il avait trouvé refuge après avoir été chassé par la rue le 14 janvier 2011, premier coup de tonnerre d'un "Printemps arabe" qui emportera également l'Egyptien Hosni Moubarak et le Libyen Mouammar Kadhafi au cours des mois suivants.
C'est en Arabie saoudite qu'il devrait être enterré.
La justice tunisienne réclamait depuis 2012 l'extradition du président déchu, condamné par contumace à plus de 100 ans de prison pour différentes affaires pour homicides volontaires, abus de pouvoir, détournements de fonds...
Le 14 janvier 2011, le "raïs" fuit son pays à l'issue d'une révolte populaire déclenchée par l'immolation par le feu en décembre d'un vendeur ambulant de Sidi Bouzid (centre-ouest), excédé par la pauvreté et les humiliations policières.
Le soulèvement qui marque le début des Printemps arabes dans la région fait 338 morts et plus de 2 100 blessés.
Cette révolution met un terme au pouvoir du président aux cinq mandats. A la tête du pays depuis 1987, il succède au père de l'indépendance tunisienne Habib Bourguiba, autoproclamé président à vie, finalement écarté pour « sénilité ».
« L’époque que nous vivons ne peut plus souffrir ni présidence à vie ni succession automatique à la tête de l’Etat qui excluraient le peuple », annonce alors Ben Ali, dans sa première allocution à la radio nationale. « Un acte de redressement, de salut national », argue-t-il à l'époque. « Je devais rétablir l'Etat de droit (...). Le président était malade et il avait un entourage néfaste », explique-t-il dans un entretien à une chaîne française en 1988.
Il va alors régner sur la Tunisie d'une poigne de fer pendant 23 ans.
> Retour sur la période Ben Ali avec la députée Nadia Chaabane :
Ben Ali --successivement général, patron de la sûreté nationale, ministre de l'Intérieur puis Premier ministre au moment du coup d'Etat-- instaure rapidement un régime répressif. Plus tard, c'est également son entourage qui sera conspué pour corruption et népotisme.
Car si dans la foulée du coup d'Etat ses partisans --et beaucoup de Tunisiens-- le saluent comme "le sauveur" d'un pays à la dérive, la dictature s'enracine rapidement.
Militaire de carrière formé en partie en France (Saint-Cyr) et aux Etats-Unis, "ZABA" (ses initiales), comme le surnomment ses opposants, s'appuie sur l'appareil policier pour étouffer toute contestation, surtout celle des islamistes, ainsi que pour museler la presse et les syndicats.
Omniprésent dans la rue comme dans les médias avec ses portraits officiels qui le montrent souriant, les cheveux teints d'un noir de jais, il se targue d'améliorer le niveau de vie de ses compatriotes et d'avoir « fait de la Tunisie un pays moderne que bien des nations amies citaient en exemple ».
Père de six enfants, dont trois d'un premier mariage, il est souvent accompagné de sa seconde épouse Leïla, honnie par la population pour avoir, avec son clan familial, mis en coupes réglées l'économie du pays.
Dans le même temps, Ben Ali bénéficie du soutien sans faille d'une bonne partie de la communauté internationale: perçu comme un rempart contre les islamistes, il est loué pour la poursuite des politiques favorables à l'émancipation des femmes de Bourguiba.
Les quelques voix qui s'élèvent pour dénoncer les atteintes aux droits humains commises par celui que les Tunisiens ne critiquent qu'en chuchotant se voient aussitôt opposer le "miracle tunisien".
En 2003, le président français Jacques Chirac résume ce concept d'une formule qui fera date: « Le premier des droits de l'Homme, c'est manger, être soigné, recevoir une éducation et avoir un habitat. De ce point de vue, il faut bien reconnaître que la Tunisie est très en avance sur beaucoup de pays », avance-t-il.
Mais l'image de carte postale se fissure inexorablement. Le chômage, la misère, la corruption et la marginalisation de régions entières culminent le 17 décembre 2010 avec l'immolation du marchand ambulant Mohamed Bouazizi, qui donne le coup d'envoi de la révolution.
Après un mois de manifestations et près de 300 morts, Ben Ali et son régime sont aux abois. Il fuit le 14 janvier 2011 avec sa femme et son fils vers l'Arabie saoudite.
L'année suivante, ses biens de luxe, mal acquis sont vendus.
Presque rien n'avait filtré de sa vie dans le royaume, à l'exception de quelques photos postées sur Instagram, notamment par sa fille Nesrine.
En Tunisie, où il a été plusieurs fois condamné par contumace à des peines de prison, l'homme a peu à peu sombré dans l'indifférence, même si face aux soubresauts de l'après-révolution certains se disent nostalgiques de la "sécurité" de façade qui prévalait sous son régime.