Tunisie : l'opposition appelle à l'union contre Kaïs Saïed fragilisé par l'abstention électorale

La principale coalition d'opposants en Tunisie a appelé dimanche 29 janvier à former un front uni politique et syndical pour faire partir le président Kaïs Saïed. La journée s'est conclue sur un taux d'abstention record lors d'un scrutin pour élire le nouveau Parlement.
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Une Tunisienne vote lors du second tour des élections législatives à Tunis, dimanche 29 janvier. AP/ Hassene Dridi.
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Le Front de salut national (FSN) a appelé les autres partis d'opposition, la société civile et la puissante centrale syndicale UGTT à "travailler main dans la main pour créer le changement par le départ de Kaïs Saïed et aller à une élection présidentielle anticipée".
 

L'UGTT a lancé cette semaine une initiative pour "sauver le pays", en formant un "Quartette" avec la Ligue tunisienne des droits de l'homme, l'Ordre des avocats et l'ONG socio-économique FTDES. Cette organisation suit le modèle du "Quartette", récompensé en 2015 par le Prix Nobel de la Paix pour son rôle dans la transition démocratique tunisienne.

(Re)voir : Tunisie : un quartette pour sauver le pays

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Abstention record aux législatives

Selon Ahmed Nejib Chebbi, président du FSN qui inclut le parti islamiste Ennahdha, le taux de participation pour le deuxième tour des législatives dimanche 29 janvier "prouve encore une fois l'échec total" de Kaïs Saïed. Les chiffres préliminaires annoncent une participation de 11,3%. Cela veut dire que "près de 89% ont tourné le dos à cette pièce de théâtre et refusé de participer au processus" politique présidentiel. 

Le premier tour avait déjà été marqué par une abstention de quasi 90%, un record depuis l'avènement de la démocratie dans le pays berceau du Printemps arabe. Certains scrutins rassemblaient jusqu'à 70% des électeurs dans la dernière décennie.

"Je n'ai pas confiance dans la classe politique. Saïed pouvait faire un changement radical. Il (...) n'a rien fait", déplore Omrane Dhouib, un boulanger abstentionniste de 37 ans interrogé à Tunis.

L'élection de 131 députés (sur 161 sièges dont 30 déjà pourvus au premier tour) représente l'ultime étape de réformes imposées depuis 18 mois par le président. Il souhaite revenir à un système hyper-présidentialiste, proche de celui d'avant la révolution de 2011 et la chute du dictateur Ben Ali. 

Kaïs Saïed s'est emparé de tous les pouvoirs le 25 juillet 2021, suspendant le Parlement dominé par les islamistes d'Ennahdha. Il a révisé la Constitution l'été dernier pour abolir le système parlementaire hybride en vigueur, accusé d'impasses politiques.

(Re)voir : Tunisie : participation minime au second tour des législatives
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Une campagne qui ne mobilise pas

Les experts ont expliqué la faible affluence aux élections par divers facteurs, notamment un boycott du scrutin par les principaux partis politiques. Malgré de profondes divisions qui l'empêchent de mobiliser dans la rue, l'opposition a dénoncé de façon unanime un processus qualifié de "coup d'État" et une "dérive dictatoriale" de Kaïs Saïed.

Autre motif : la majorité des candidats étaient inconnus et sans affiliation politique. Les rares électeurs ont donc fait des choix personnels, les plus âgés disant surtout "accomplir leur devoir électoral".

Belhassen Ben Safta, chauffeur de taxi de 60 ans, entend ne "jamais laisser à l'ancien système (Ennahdha) la possibilité de revenir. Ils sont responsables de notre misère".

À Gafsa (sud), Mohamed Tlijani et Ali Krimi, deux quinquagénaires, sont venus voter pour un cousin, estimant "avoir le droit d'être représentés au Parlement". 

Une partie de la population partagent l'aversion de Kaïs Saïed pour les partis politiques, en particulier Ennahdha, et approuve sa limitation des pouvoirs du futur Parlement. Celui-ci pourra difficilement renverser le gouvernement et jamais destituer le président.
 

(Re)voir : Tunisie : fermeture des bureaux de vote, la désaveu démocratique se confirme

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Priorités économiques

"Vu le désintérêt" pour la politique, "ce Parlement aura peu de légitimité, le président, tout-puissant grâce à la Constitution de 2022, pourra le dominer à sa guise", explique à l'AFP Youssef Cherif, expert du Columbia Global Centers.

Mais l'attention des 12 millions de Tunisiens est ailleurs. "Je ne vote jamais. Tous les secteurs économiques souffrent et Saïed ne s'y intéresse pas", dénonce Mohamed Abidi, un serveur de 51 ans à Tunis.

Les Tunisiens ont vu leur pouvoir d'achat dégringoler avec une inflation supérieure à 10% et endurent des pénuries de denrées subventionnées (lait, sucre ou huile). La croissance est poussive, le chômage élevé (plus de 15%) et plus de 32 000 Tunisiens ont émigré clandestinement l'an passé.

Motif d'inquiétude supplémentaire : des négociations avec le FMI pour un prêt de 1,9 milliard de dollars, clef d'autres aides étrangères, piétinent depuis des mois. Ce qui a amené l'agence américaine Moody's à dégrader samedi 28 janvier d'un nouveau cran la note de la dette à long terme tunisienne, jugeant "plus élevé" le risque d'un défaut de paiement. 

Le blocage des pourparlers viendrait de désaccords entre le président Saïed et son gouvernement sur le programme soumis au FMI en échange de son aide.

Kaïs Saïed hésite, selon les experts, à adopter des mesures impopulaires comme la levée des subventions sur les produits de base et une restructuration des entreprises publiques surendettées.