Tunisie : Marzouki/Essebsi, dernier round

Dimanche 21 décembre : second tour de l’élection présidentielle tunisienne. Elle oppose Moncef Marzouki, l’actuel président, "candidat de la révolution" à Béji Caïd Essebsi, candidat du parti anti-islamiste Nidaa Tounes. Tous deux, très différents, ne cachent pas leur animosité respective. 
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Tunisie : Marzouki/Essebsi, dernier round
Un Tunisien dans un bureau de vote en 2011. cc
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D'un côté, il y a Moncef Marzouki, président sortant et fondateur du parti Congrès pour la République (CPR) et de l'autre, Béji Caïd Essebsi, président du parti anti-islamiste Nidaa Tounes. Le premier a obtenu 33,43 % des voix lors du premier tour de l'élection présidentielle le 23 novembre dernier tandis que le second s'est qualifié avec 39,46 % des voix. 
Tunisie : Marzouki/Essebsi, dernier round
Moncef Marzouki, actuel président tunisien. cc
MONCEF MARZOUKI, 64 ans, est un militant des droits de l'Homme et opposant historique à la dictature tunisienne, longtemps exilé en France. Il estime avoir empêché le chaos après la révolution de 2011 par son alliance avec les islamistes d'Ennahdha lors de l'élection présidentielle. Il considère cette troïka comme sa plus grande réussite, alors que la quasi- totalité des partis non-islamistes dénonce un accord conclu, selon eux, dans l'unique but de satisfaire une ambition présidentielle. 
Il se pose en candidat de la "révolution" et en rempart contre le retour à l'ancien régime incarné, selon lui, par son adversaire Béji Caïd Essebsi qui "n'a rien à voir avec la démocratie". Sur la scène internationale, Moncef Marzouki tente d'incarner le représentant de l'expérience démocratique tunisienne. A Bruxelles, à Paris, devant l'ONU, en français, en arabe ou en anglais, il ne cesse de répéter la nécessité de soutenir la Tunisie afin qu'elle ne bascule pas dans le chaos ou dans la répression comme dans d'autres pays du Printemps arabe (Égypte, Yémen, Bahreïn, Libye...). "Si la Tunisie échoue, vous pouvez dire au revoir à la démocratie dans le monde arabe pour un siècle", martelait-il en août à Washington. Ces positions lui vaudront d'être classé en 2013 par Time magazine parmi les 100 personnes les plus influentes au monde. L'actuel président tunisien se présente pourtant comme un homme simple, qui refuse symboliquement de porter une cravate. Il apparaît vêtu du traditionnel burnous et a multiplié les bains de foule durant sa campagne. 
Ses priorités 
S’il est réélu, Moncef Marzouki compte « relancer les programmes consacrés à la grande pauvreté, rassurer les Tunisiens sur l’unité nationale, calmer le jeu, car les divisions régionales » l’inquiètent beaucoup, a t-il confié au journal Le Point. Selon lui, la pauvreté, « ce n'est pas uniquement un problème de revenus, mais d'accès à la santé, à l'éducation ». Il reproche d'ailleurs à Ben Ali d’avoir « détruit » l’enseignement et notamment l’université, « par bêtise, par inconscience et aussi par volonté ». 
Tunisie : Marzouki/Essebsi, dernier round
Béji Caïd Essebsi, candidat à l'élection présidentielle tunisienne. © Guillaume Paumier.
BEJI CAID ESSEBSI, 88 ans, est le favori de la présidentielle. Il possède une grande expérience politique : il a été ministre de l'Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères sous Habib Bourguiba, premier président tunisien, puis président du Parlement en 1990-1991 sous Ben Ali, avant de s'imposer comme le poids lourd de la Tunisie post-révolutionnaire face aux islamistes et leurs alliés. 
Son parti, Nidaa Tounes, a été créé il y a deux ans. Cette formation a attiré des hommes d'affaires, des intellectuels, des syndicalistes et des militants de gauche, mais aussi des proches de l'ancien régime unis par leur opposition aux islamistes. Nidaa Tounes a d'ailleurs remporté les législatives du 26 octobre, devant les islamistes de Ennahdha, principaux adversaires. "Nous voulons un État du 21ème siècle, un État de progrès. Ce qui nous sépare de ces gens-là, ce sont 14 siècles", répète souvent M.Caïd Essebsi. Selon lui, Moncef Marzouki est le candidat des "islamistes" et des "salafistes jihadistes". 
Il dit vouloir rétablir le "prestige" de l’État après quatre années mouvementées, marquées par l'essor d'une mouvance jihadiste armée. Pour cela, il jure de travailler dans le strict cadre de la Constitution adoptée en janvier et qui limite les prérogatives présidentielles afin d'éviter le retour à la dictature. 
Si certains lui reprochent son âge avancé, peu représentatif d'une révolution portée par la jeunesse, il répète sans cesse que "la jeunesse n'est pas un état civil mais un état d'esprit", tout en se disant encore "en bonne santé". 
Ses priorités 
Pour BCE, l'urgence est la lutte contre le terrorisme. Sur RFI, son directeur de campagne, Mohsen Marzouk, a détaillé cet aspect, divisé en trois points : des services de renseignement plus performants, une meilleure structuration du commandement des armées et un meilleur équipement. S’il est réélu, le président sortant compte "relancer les programmes consacrés à la grande pauvreté, rassurer les Tunisiens sur l’unité nationale, calmer le jeu, car les divisions régionales » l’inquiètent beaucoup, a t-il confié au journal Le Point
En matière de relations internationales, les deux candidats ont des visions très différentes. Selon Jeune Afrique, le parti de Essebsi est favorable à une normalisation des relations avec la Syrie. Celles-ci ont été rompues en avril 2012 sur la décision de Moncef Marzouki. Autre point de désaccord : BCE souhaite une amélioration des relations tuniso-égyptiennes qui ne sont pas au beau fixe depuis les déclarations de l'actuel président à la tribune de l'ONU en septembre 2013. Ce dernier avait condamné le président égytpien, Abdel Fattah al-Sissi, pour le renversement du président islamiste Mohamed Morsi. 
Malgré une transition tourmentée et mouvementée, la Tunisie fait tout de même figure de bon élève du Printemps arabe. Le pays a su organiser une alternance pacifique au pouvoir, à l'inverse de son voisin libyen qui a sombré dans le chaos ou de l’Égypte qui a basculé dans la répression.