Pharmacies et hôpitaux manquent de médicaments en Tunisie. Ces dernières semaines, les pharmaciens déplorent une pénurie de pilules contraceptives. Le gouvernement, de son côté, reste plus mesuré. Pourquoi le pays connaît-il une telle pénurie de médicaments ? Des factures impayées pourraient en être l’explication.
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Toutes les pilules contraceptives sont en rupture ». Dans un post publié sur Facebook le 29 avril, l’Association Tunisienne des Pharmaciens Libres (APTL) s’inquiète de cette pénurie. Une première dans le pays.
Certes, le pays connait parfois des problèmes de stocks de médicaments. Mais cette fois, la situation est exceptionnelle, selon les syndicats et associations de pharmaciens tunisiens.
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Ce problème n’est pas récent mais c’est la première fois que la Pharmacie centrale connait de telles difficultés de trésorerie. Il y a déjà eu des pénuries ponctuelles dûes à des problèmes de livraisons mais pas ce type de problème financier », nous explique Malek Makni, trésorier adjoint du
Syndicat des Pharmaciens d’Officine de Tunisie.
La Pharmacie centrale, c’est l’organisation gouvernementale qui importe en Tunisie tous les médicaments provenant de l’étranger. Sauf qu’aujourd’hui, l’institution enregistre «
des retards de paiements auprès des laboratoires pharmaceutiques internationaux qui retardent alors leurs livraisons ou les suspendent en attendant d‘être payés », souligne Malek Makni. Les caisses sociales n’avancent plus de fonds à la Caisse Nationale d’Assurance Maladie qui ne finance plus la Pharmacie centrale. Idem pour les hôpitaux qui manquent de médicaments.
Pilule, insuline, stérilet
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Ces ruptures touchent les produits importés comme certaines pilules contraceptives, certaines insulines, des produits d’oncologie (pour le traitement de cancer, ndlr).
Des produits qui ne sont pas anodins. Certains patients recontactent leur médecins pour changer de traitement », observe le responsable du Syndicat des Pharmaciens d’Officine de Tunisie. Selon lui, certaines pilules ont été remises en vente il y a deux jours après avoir été en rupture depuis plusieurs semaines.
S’ajoute à cela une pénurie de stérilets et de préservatifs qui inquiète les professionnels de santé : «
Les stérilets sont en rupture de stock à l'Office National de la Famille et de la Population depuis deux années. À l'époque, ils ont détruit un conteneur chargé de stérilets importés après avoir découvert qu'ils n'étaient pas conformes aux normes. Depuis, rien n'a été fait pour remédier à cette pénurie », témoigne Irzak Khnitech, la directrice exécutive de l'association tunisienne de la Santé de la Reproduction sur le site du
Huffington Post Tunisie. Or le stérilet est le «
contraceptif préféré » des Tunisiennes. «
On se demande si le non-règlement de ces problèmes n'est pas voulu et ne s'intègre pas dans une politique publique bien précise », en vient à se demander la responsable d’association.
Des impayés de 400 millions de dinars
Le Secrétaire général adjoint du syndicat de base de la pharmacie centrale, Abdel Monêem Ben Ammar indiquait, le 30 mars, sur les ondes de
Shems FM que «
le stock stratégique de médicaments est passé de trois à un mois et vingt jours seulement »
. Des médicaments manqueraient dans les salles d'opération des hôpitaux.
Selon lui, les fournisseurs étrangers refusent de livrer la Pharmacie centrale avant qu’elle ne règle ses dettes. Abdel Monêem Ben Ammar a aussi indiqué que les impayés de l'institution s’élèveraient à 400 millions de dinars (soit presque 135 millions d’euros).
Du côté du ministère de la Santé, on reste mesuré, martelant qu'il n'y a pas de "
rupture de stock". Le ministre Imad Hamami, reconnaît une «
pénurie » dans un entretien accordé, le mardi 3 avril, à la radio
Mosaïque FM. Mais il assure que les médicaments des maladies graves et chroniques restent disponibles.
De leur côté, les associations et syndicats de pharmaciens attendent que des mesures soient prises par le gouvernement. Un conseil ministériel s’était déjà tenu en novembre dernier afin d’octroyer un crédit à la Pharmacie centrale. Mais le Syndicat des Pharmaciens d’Officine de Tunisie observe une chose : «
la crise persiste ».