Fil d'Ariane
Si les autorités se déclarent ouvertes concernant le sort des femmes et enfants, elles sont en revanche catégoriques sur le cas des combattants : pas question de faciliter leur retour. Selon des sources gouvernementales, en 2016, au moins 800 étaient déjà revenus par leurs propres moyens et se trouvaient alors détenus ou sous haute surveillance.
« S'il y a des combattants tunisiens (...) qui veulent rentrer en Tunisie, la Constitution prévoit qu'on doit accepter tous les citoyens, mais il faut qu'ils passent par la justice et éventuellement la prison », a réitéré le président Béji Caïd Essebsi récemment.
Ces gens-là sont des bombes à retardement, il faut les neutraliser, et cela se fait avec des programmes de déradicalisation. Mohamed Iqbel ben Rejeb de l’association de sauvetage des Tunisiens bloqués à l’étranger Ratta.
Une stratégie que déplore l’association de sauvetage des Tunisiens bloqués à l’étranger Ratta : « Ceux qui rentrent doivent être emprisonnés ou encadrés par la société civile pour un processus de déradicalisation. La plupart des gens qui sont rentrés sont soit en prison, soit en préventive dans l’attente de leur procès. Seule une toute petite minorité est en liberté, soit disant avec un contrôle mais je suis certain que c’est un peu imaginaire », nous explique par téléphone son dirigeant Mohamed Iqbel ben Rejeb. « Il y a une loi qui condamne les gens qui rentrent à un maximum 12 ans de prison mais en moyenne, ils écopent de 4 et 7 ans, s’ils n’ont pas tué. Après la prison classique, la personne restera embrigadée, voire même il sortira en héros. Ces gens-là sont des bombes à retardement, il faut les neutraliser et cela se fait avec des programmes de déradicalisation. D’après notre expérience, si la personne a une famille, elle peut aider à diminuer cette emprise mais malheureusement en Tunisie il n’y a pas de centre de déradicalisation. »
L’association Ratta insiste aussi sur la prévention de la radicalisation. Avec très peu de moyens, elle a mené une expérience pilote dans la région de Tunis. Mais là encore, son président déplore la passivité du gouvernement. « Le gouvernement tunisien ne fait rien. Il n’y a aucun programme de prévention pour les jeunes sinon quelques publicités… Les djihadistes eux ont été recrutés par contact direct », relève Mohamed Iqbel ben Rejeb.
Si les djihadistes tunisiens aujourd’hui retranchés en Syrie décidaient de rentrer en nombre, la Tunisie devrait donc affronter un grand problème. D’autres, craignant la prison, pourraient aussi essayer de se replier sur la Libye divisée et contrôlée par endroits par des groupes djihadistes armés. Mais là encore, il s’agit d’un pays voisin de la Tunisie et la frontière est poreuse…