Fil d'Ariane
Un projet de loi va être déposé sur l'égalité successorale. Aujourd'hui, la loi s'appuie sur le droit islamique et prévoit, qu'en règle générale, un homme hérite le double d'une femme du même degré de parenté. Ce projet reste contesté dans la frange conservatrice de l'opinion publique tunisienne.
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Des milliers de personnes issues d'un collectif pro-islamiste ont manifesté vent debout contre ce projet devant le parlement, samedi 11 août. Cette proposition est loin d'être finalisée.
Les dirigeants d'Ennahdha sont tentés de soutenir et de rejoindre la partie de l'opinion conservatrice hostile à ces réformes.
Hazem Ksouri, avocat.
"Le gouvernement actuel est issu d'une coalition. La constitution a pu être adoptée grâce au soutien du parti issu de l'islam politique, Ennahdha. Le président Essebsi est également contesté au sein de la direction de son parti, Nidaa Tounes. Ces projets de réformes sociétales ont été bloquées. Il a donc décidé de passer par une commission pour défendre ses positions. La commission des libertés individuelles et de l'égalité (La Colibe, ndlr) est à l'origine de cette proposition d'égalité sucessorale", précise l'avocat Hazem Ksouri.
La commission présidée par une femme, la députée Bochra Belhaj Hmida, propose d'autres mesures en faveur de l'égalité. La Colibe recommande ainsi l’annulation de la dote, et la non-discrimination entre les parents dans le consentement au mariage de mineur qui revient aujourd'hui au père.
La Colibe qui plaide pour « l’égalité totale », propose également d’attribuer le nom de famille maternel ou paternel à l’enfant ou les deux ensembles. La commission demande aussi que le terme "de chef de famille" pour définir le mari soit supprimé du code du statut personnel.
Le président Essebsi demande aux députés de réexaminer entièrement le code du statut personnel. "Est-ce que Ennahdha va suivre ses recommandations ? Le parti issu de l'islam politique a dépoussiéré son orthodoxie originelle pour se présenter comme un parti moderne notamment auprès de la communauté internationale. Mais ses dirigeants sont tentés de soutenir et de rejoindre la partie de l'opinion conservatrice hostile à ces réformes. Essebsi leur dit : 'montrez moi que vous êtes modernes ' ", explique Hazem Ksouri, avocat.
"La liberté de conscience est inscrite dans la constitution. L'islam ne peut pas être source de droit selon la constitution. L'Etat tunisien est défini comme un Etat laïc et en même temps l'islam est reconnu comme religion d'Etat. Cette contradiction avive des tensions et des incompréhensions", rappelle Hazem Ksouri, avocat du barreau de Tunis et membre de la société civile tunisienne.
Les questions d'apostasie, de conversion à une autre religion que l'islam ou le simple fait d'être athée, restent taboues au sein de la société tunisienne. L'opposition laïque a dû batailler durement pour que l'accusation d'apostasie ne soit pas incrite dans le droit.
La société tunisienne reste donc marquée par le poids de la religion. Le gouvernement a ainsi annulé, en septembre dernier, une circulaire qui interdisait à une femme de se marier civilement avec un non musulman. La commission propose aussi d'autoriser l'ouverture des commerces, notamment des cafés, pendant le mois de ramadan. Cela est aujourd'hui interdit pas une circulaire gouvernementale.