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© TV5Monde Images : M. KHEDIR Commentaire : K.G. BARZEGAR Montage : A. PORCHER
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Tunisie : retour sur quatre ans de réformes sociétales en partie avortées

C'est officiel ! Un projet de loi faisant de l'égalité entre homme et femme le principe par défaut lors de la répartition de l'héritage va être enfin déposé après plus de quatre années de revendication. Le principe de l'égalité entre femmes et hommes est pourtant inscrit dans la constitution au même titre que d'autres principes comme la liberté de conscience. Retour sur quatre ans de réformes sociétales avortées en Tunisie.
  • L'égalité entre femmes et hommes.

Ce principe d'égalité est intégré dans la constitution adoptée en janvier 2014. Mais de nombreuses inégalités demeurent dans les lois tunisiennes. "Le président Essebsi a travaillé avec le père de l'indépendance Habib Bourguiba qui a promulgué le code du statut personnel. Cela a constitué une première libération de la femme en interdisant la polygamie, autorisant le divorce et exigeant le consentement mutuel des deux époux en cas de mariage. Essebsi veut aller plus loin", explique Hazem Ksouri, avocat du barreau de Tunis et membre de la société civile.
 
Le président tunisien
Le président tunisien a tranché en faveur de l'égalité entre femmes et hommes.
AP/ Hassene Dridi


Un projet de loi va être déposé sur l'égalité successorale. Aujourd'hui, la loi s'appuie sur le droit islamique et prévoit, qu'en règle générale, un homme hérite le double d'une femme du même degré de parenté. Ce projet reste contesté dans la frange conservatrice de l'opinion publique tunisienne.

> A lire aussi : Tunisie : mobilisation des pro-islamistes contre les réformes sociétales du gouvernement

Des milliers de personnes issues d'un collectif pro-islamiste ont manifesté vent debout contre ce projet devant le parlement, samedi 11 août. Cette proposition est loin d'être finalisée.
 

Les dirigeants d'Ennahdha sont tentés de soutenir et de rejoindre la partie de l'opinion conservatrice hostile à ces réformes. 

Hazem Ksouri, avocat.

"Le gouvernement actuel est issu d'une coalition. La constitution a pu être adoptée grâce au soutien du parti issu de l'islam politique, Ennahdha. Le président Essebsi est également contesté au sein de la direction de son parti, Nidaa Tounes. Ces projets de réformes sociétales ont été bloquées. Il a donc décidé de passer par une commission pour défendre ses positions. La commission des libertés individuelles et de l'égalité (La Colibe, ndlr) est à l'origine de cette proposition d'égalité sucessorale", précise l'avocat Hazem Ksouri.

La commission présidée par une femme, la députée Bochra Belhaj Hmida, propose d'autres mesures en faveur de l'égalité. La Colibe recommande ainsi l’annulation de la dote, et la non-discrimination entre les parents dans le consentement au mariage de mineur qui revient aujourd'hui au père.

La Colibe qui plaide pour « l’égalité totale », propose également d’attribuer le nom de famille maternel ou paternel à l’enfant ou les deux ensembles. La commission demande aussi que le terme "de chef de famille" pour définir le mari soit supprimé du code du statut personnel.

Le président Essebsi demande aux députés de réexaminer entièrement le code du statut personnel. "Est-ce que  Ennahdha va suivre ses recommandations ? Le parti issu de l'islam politique a dépoussiéré son orthodoxie originelle pour se présenter comme un parti moderne notamment auprès de la communauté internationale. Mais ses dirigeants sont tentés de soutenir et de rejoindre la partie de l'opinion conservatrice hostile à ces réformes. Essebsi leur dit : 'montrez moi que vous êtes modernes ' ", explique Hazem Ksouri, avocat.
 

  • Liberté de conscience et place de l'Islam dans l'espace politique tunisien

"La liberté de conscience est inscrite dans la constitution. L'islam ne peut pas être source de droit selon la constitution. L'Etat tunisien est défini comme un Etat laïc et en même temps l'islam est reconnu comme religion d'Etat. Cette contradiction avive des tensions et des incompréhensions", rappelle Hazem Ksouri, avocat du barreau de Tunis et membre de la société civile tunisienne.

Les questions d'apostasie, de conversion à une autre religion que l'islam ou le simple fait d'être athée, restent taboues au sein de la société tunisienne. L'opposition laïque a dû batailler durement pour que l'accusation d'apostasie ne soit pas incrite dans le droit.

La société tunisienne reste donc marquée par le poids de la religion. Le gouvernement a ainsi annulé, en septembre dernier, une circulaire qui interdisait à une femme de se marier civilement avec un non musulman. La commission propose aussi d'autoriser l'ouverture des commerces, notamment des cafés, pendant le mois de ramadan. Cela est aujourd'hui interdit pas une circulaire gouvernementale.
 

Bochra Belhaj Hmida
Bochra Belhaj Hmida, présidente de la Colibe tente de bousculer la société tunisienne sur les droits des femmes et des homosexuels.
Libre de droit
 
  • La défense des droits des homosexuels

"La Constitution consacre clairement le droit pour chaque personne à la protection de sa vie privée. L’Etat est donc en charge de protéger la sphère privée des citoyens, et donc leur vie sexuelle. Il n’y a rien de plus privé", souligne Wahid Ferchichi  juriste dans Inkyfada.com, blog tenu par des journalistes tunisiens.

Ce principe constitutionnel est pourtant bafoué dans la loi. L'article 230 du code pénal criminalise l'homosexualité, punie de trois ans de prison. Les personnes arrêtées pour homosexualité sont toujours obligées de subir des tests anaux. Cette loi pénale est donc anticonstitutionnelle, selon ce juriste. La Colibe propose donc de dépénaliser l'homosexualité mais le président Essebsi n'en fait pas une priorité.
 
  • L'abolition de la peine de mort

La peine de mort est inscrite dans le code pénal tunisien. Mais selon Amnesty International, plus de 77 personnes attendent leurs éxecutions dans le couloir de la mort même si aucune exécution n'a eu lieue depuis les années 1990. La commision présidentielle propose d'aller plus loin et d'inscrire définitivement l'abolition de la peine de mort dans la loi.