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Tunisie : à Zarzis, une jeunesse en fuite

Zarzis, c'est une petite ville de pêcheurs au sud de Djerba, en Tunisie. Chaque année les jeunes tentent de traverser la Méditerranée pour rejoindre l'Europe. Le nombre de candidats à l'exil n'a jamais été aussi important depuis 2011. Beaucoup d'entre eux partent par leurs propres moyens, dans des embarcations de fortune. Et les pêcheurs se trouvent en première ligne pour récupérer les naufragés.
 
Comme chaque matin, Zarzis s’est réveillée très tôt, au son des mareyeurs, bien avant le levé du soleil. Nous sommes au sud de la Tunisie, à quelques kilomètres de l’île de Djerba. Dans cette ville du bord de la Méditerranée, la pêche est plus qu’une industrie, c’est une culture, un bout du patrimoine. 

Des poissons qui font la fierté de la région, mais une tradition qui se perd petit à petit. Sur les quais du port, les visages sont souvent marqués par les années. Pêcheur, un métier trop dur, pas assez rentable dû aux réductions des zones de pêches. Aujourd’hui le statut n’attire plus.

Alors quand les jeunes prennent la mer, ce n’est plus pour jeter les filets mais pour fuir un pays auquel ils ne croient plus. 

« Mon rêve c’est de partir en France, raconte Charfeddine. C’est vraiment mon rêve. Comme beaucoup de gens de ma génération qui sont partis et qui vont très bien. Ils sont partis dans la pauvreté et sont devenus riches.» 
 

8 ans après la révolution tunisienne

A 19 ans, Charfedine fait parti de ces jeunes Tunisiens qui ont grandi dans la 
période post-révolution. Petit frère d’une jeunesse qui en 2011 s’est soulevée pour renverser la dictature de Ben Ali. Mais 8 ans plus tard, la liberté coûte chère.

Le dinar ne cesse de chuter, et entraîne avec lui, l’espoir d’une vie meilleure. Cette reprise de la migration pour Bechir Jaidi, conseiller municipal de Zarzis, n’est pas uniquement lié à un problème économique. 

Fuir, plutôt que tenter de construire dans son propre pays. Preuve d’une 
grande défiance envers la politique d’une grande impatience aussi. La liberté ne suffit pas pour rester. Ici l’avenir s’appelle Lampedusa, à quelques heures de bateau seulement. Et désormais, plus de passeur ou de filière organisée, la génération smartphone n’a besoin de personne.
 

Des pêcheurs passeurs ? 

Les autorités italiennes ont ainsi accusé Chamsedine Bourrasine, pêcheur et président du syndicat des pêcheurs de Zarzis, d’être un passeur. Accusation contredite ensuite par les images de surveillance de Frontex. Mais cette accusation est surtout un message politique adressé à la société civile comme aux ONG de secours en mer. Désormais, l’aide aux migrants sera criminalisée. 

Pour contrer cette négation du droit international et maritime, plusieurs ONG ont décidé de venir à la rencontre des pêcheurs de Zarzis pour s’organiser. 

Ce jour là, trois organisations ont fait le déplacement. L’objectif est une meilleure coordination entre les sauveteurs au large. Mais cette réunion n’aura finalement pas lieu. Autorisé et bienvenu dans un premier temps, les autorités tunisiennes ont finalement interdit au troisième bateau humanitaire d’accoster. 
 

Les ONG entravées

Les deux ONG seront confinées au port puis invitées à reprendre la mer le lendemain. La pression mise sur les organismes de secours semble en partie faire son effet.L’Aquarius, le plus gros bateau de sauvetage présent en Méditerranée a décidé de stopper son activité. 

L’hiver s’installe sur le sud de la Tunisie. Les départ de migrants ont ralenti mais ils reprendront, en masse, dès le printemps. Selon le gouvernement italien, en 2018 plus de 5000 personnes se déclarant comme Tunisiens ont débarqué sur les côtes italiennes. C’est désormais la nationalité la plus représentée devant l’Erythrée. 5000 recensés auquel il faut rajouter tous ceux qui ont réussi à passer. On estime généralement qu’il faut multiplier leur nombre par trois. Zarzis, témoin et point de départ d’une jeunesse en fuite.