Fil d'Ariane
La représentation du Gabon à Ankara dénonce l'absence de véritable enquête après la mort d'une étudiante gabonaise dans le nord de la Turquie, affirmant que des suspects n'ont pas été interrogés, parce que "la victime est noire". Le corps de Jeannah Danys Dinabongho Ibouanga, âgée de 17 ans, a été retrouvé le 25 mars dans une rivière, non loin de l'université de Karabük où elle étudiait le génie mécanique.
L'ambassade du Gabon à Ankara rejette les conclusions de l'autopsie qui attribue le décès de la jeune femme à "une mort naturelle" par "noyade". "Elle aurait quitté son appartement à 23 heures en short et en sandales pour aller se baigner alors qu'il fait encore très froid dans cette région de la Turquie ? C'est insensé !", estime, révolté, un diplomate gabonais qui a souhaité garder l'anonymat. Les autorités gabonaises ont demandé une contre-expertise de l'autopsie, a-t-il indiqué.
Nous pensons que c'est un assassinat. L'enquête n'a pas été bien menée. Les suspects n'ont pas été interrogés, parce qu'il s'agit d'une Noire.Un diplomate gabonais
"Nous pensons que c'est un assassinat. L'enquête n'a pas été bien menée. Les suspects n'ont pas été interrogés, parce qu'il s'agit d'une Noire", dénonce-t-il. Selon l'ambassade, deux employés de la Poste de Karabük harcelaient la jeune fille en lui envoyant des messages à caractère sexuel ou l'intimidait lorsqu'elle venait au bureau de poste.
"Ces messages ont été trouvés sur le téléphone de la victime. Et un de ses amis a été témoin du comportement de ces employés. Mais ils n'ont même pas été interrogés. Car pour les autorités, les Noirs, on n'en a rien à faire", accuse le diplomate.
La mort de la jeune fille, surnommée "Dina" par ses amis, a suscité une vive émotion sur le campus. Dans un message vocal, présenté sur Twitter comme un appel à sa mère, l'étudiante en pleurs supplie de la laisser partir pour l'université de Sakarya, à moins de deux heures de route à l'est d'Istanbul : "Il n'y a pas de racisme là-bas", plaide la jeune femme.
Le diplomate confirme qu'il s'agissait bien d'un message envoyé par l'étudiante. Sur Twitter, le mot dièse #JusticepourDina s'est répandu parmi les étudiants africains de son université dont plusieurs dizaines ont manifesté cette semaine dans l'enceinte de l'établissement en brandissant des portraits de la victime. "Ils ont voulu faire une marche pacifique pour demander que le meurtre puisse être élucidé, mais on les a dispersés avec des bombes lacrymogènes et intimidés", a encore regretté le diplomate.