"Lui ne va pas nous voler" Slim Riahi, 42 ans, est patron d’une télévision et d’un club de football en tête du championnat national. Il est souvent surnommé le «Berlusconi tunisien». Riche homme d’affaires, patron d’une télévision et d’un des principaux clubs de football du pays, Slim Riahi est aussi candidat à l’élection présidentielle de dimanche prochain. Parmi les 25 prétendants, il figure au rang de ceux qui pourraient compter, passé le duel qui se dessine entre Béji Caïd Essebsi, grand favori, et le sortant Moncef Marzouki. Déjà, aux élections législatives d’octobre, son parti, l’Union patriotique libre (UPL), a décroché 16 sièges, devenant la troisième force dans la nouvelle assemblée. Inconnu il y a encore quatre ans, Slim Riahi a déboulé en trombe dans le paysage post-révolutionnaire. En 2011, malgré une campagne à grands frais, il n’avait récolté qu’un siège. Depuis, il s’est bâti une popularité assise sur le ballon rond, l’argent et la défiance envers la classe politique. «Il trouvera des solutions pour les jeunes» Dans le quartier de Bab Jdid, ses supporters ne sont pas difficiles à trouver. Ce faubourg de la médina de Tunis est le fief historique du Club Africain, dont Slim Riahi a conquis la présidence en 2012. Attablés au café officiel des «clubistes», refait à neuf grâce aux deniers du nouveau patron, Adel et Ramzi expliquent pourquoi, «bien sûr», ils voteront pour lui: «un peu» par affinité footballistique, reconnaissent-ils, mais pas seulement. «On cherche quelqu’un qui trouve des solutions pour les jeunes. Slim Riahi a dit qu’il avait des projets pour eux», développe Adel, 30 ans, réceptionniste dans un hôtel. «Il ne va pas nous voler comme les autres, parce qu’il a déjà beaucoup d’argent», complète son ami Ramzi. L’argument revient en boucle. «Les politiciens sont tous des voleurs. Lui, au contraire, va financer des projets pour le peuple», estime Mondher. Ce bijoutier en veut pour preuve l’aide au logement qu’ont reçue deux voisines en difficulté. «Et il a dit que s’il était président, il utiliserait son propre avion et paierait le carburant», apprécie encore le commerçant. Son âge joue pour lui: à 42 ans, deux fois moins que Béji Caïd Essebsi, Slim Riahi est le benjamin de la compétition. Il a attiré à lui de nombreux jeunes, notamment des quartiers populaires. «C’est un exemple de réussite. Il est riche, ça en fait rêver beaucoup», observe Makram Guebsi, le coordinateur politique de la campagne. «On lui donne une chance», tempère Aslem, un adhérent de la cité Mourouj. Cet apprenti kiné est un déçu du parti islamiste Ennahda, pour qui il avait voté, en 2011. «Ils avaient promis des investissements mais n’ont rien fait», critique-t-il. Atout électoral Lassés des paroles en l’air, désireux de juger sur pièces, beaucoup de pro-Riahi mettent en avant sa gestion du Club Africain. «Quand il a fait des promesses, il les a tenues: il a recruté 15?joueurs cette année, il a acheté un nouveau bus et il a posé la première pierre du nouveau parc d’entraînement, dans un quartier chic. Il ne comprend pas tout au foot, mais il a su s’entourer de gens compétents», fait valoir Khaled, un habitué du stade. Après deux saisons moyennes, le Club Africain est cette année en tête du championnat. Un atout électoral indéniable, d’autant que le club dispose d’un grand nombre de supporters, répartis dans tout le pays. «C’est un parti pragmatique, sans idéologie. On s’en fout de l’idéologie», dit aussi Chiheb, un militant de 23 ans, qui cherche plutôt «celui qui peut ramener l’investissement». «Nous profitons du rejet des partis politiques qui ont dominé la scène après 2011 et qui ont détourné l’attention des problèmes soulevés lors de la révolution vers d’autres problèmes dont les gens se fichent, comme l’identité ou le rapport entre Etat et religion», estime Makram Guebsi. Dans son programme, Slim Riahi promet la création de 422?000?emplois pendant son quinquennat, un objectif peu réaliste. L’ascension du magnat populiste suscite la controverse, surtout que l’origine de sa fortune reste suspecte. La rumeur dit qu’il a profité de la chute du régime libyen pour dépouiller l’un des fils Kadhafi. «C’est vrai qu’il était proche des Kadhafi, mais il ne les a jamais volés. Il a hérité de son père, un opposant à [l’ancien président] Bourguiba réfugié en Libye, qui s’est enrichi très vite en faisant des affaires dans le pétrole et l’immobilier», justifie Yosra Mili, la porte-parole de l’UPL. Les attaques, juge-t-elle, c’est la rançon de la gloire: «On nous déteste parce qu’on fait peur.» Article paru dans le journal
"Le Temps"