En Centrafrique, les tensions inter-religieuses restent vives, Alabira en est le témoin tous les jours. Ce jeune étudiant en économie a fui le pays fin 2013 aux prémices de la crise. De retour depuis pour reprendre les cours, le chemin des études est pour lui semé d'embuches.
Tous les matins Alabira, un jeune étudiant musulman de PK5 doit se rendre en cours à l'universté de Bangui. Une routine qu'il accompli la peur au ventre car il doit traverser différents quartiers chrétiens comme Miskine, Bazanga ou Castors, la plupart hostile à sa communauté. Lorsqu'il se met en chemin Alabira sait que la moindre étincelle, le moindre regain de tension dans Bangui, si un chrétien se fait lyncher par des musulmans ou un musulman assassiné par des chrétiens, son trajet peut se transformer en un enfer.
Ces derniers temps il n’y a pas eu d’affrontements ça fait qu’on est tranquille on peut aller à l’université et revenir à n’importe quelle heure. Alabira Louqmane, étudiant en Master en sciences de gestion à l’université de Bangui
Alabira a fui pour le Tchad fin 2013, à cause des massacres perpetrés par les milices anti-balaka. Rentré en 2016, il accepte maintenant de prendre le risque de traverser la ville pour pouvoir finir ses études. Mais à PK5 la situation et la présence des groupes armés inquiètent les habitants. Les autorités ont conscience de la situation mais se retrouve impuissante face au problème.
Les étudiants partent d’ici pour aller à l’université mais Dieu seul sait combien ils partent avec la peur au ventre. Parce qu’on pas d’une minute à l’autre ce qui peut se passer. Ils partent parfois en se déguisant. ça veut dire qu’ils ne sont pas encore totalement libres et c’est ce que nous dénonçons (...) Si les chrétiens peuvent venir par exemple au marché Sambo acheter des sacs d’oignons, ya pas de raison que les musulmans ne peuvent pas quitter ici aller par exemple à Ouango et acheter du poisson. Lazarre Ndjadere, douanier et chrétien habitant le pk5
A l'université Alabira doit affronter d'autres problèmes. Sur les milliers d'étudiants que compte le campus, ils ne sont qu'une cinquantaine de musulmans. Et même sur les bancs d'étude les discriminations sont courantes. Des étudiants sont traités par d'autres de "Séléka" parce qu'ils sont musulmans. Des propos blessants qui attisent les tensions
C’est surtout l’amalgame entre musulmans et Seleka. Les gens aussi considèrent que si tu viens du KM5 tu es un criminel. Des choses comme ça ne manquent pas. Un jour lors de la photo de famille pour la fin d’année, j’étais en train de filmer les collègues, même le délégué était là, les collègues ont dit que “non lui là c’est un musulman donc il va prendre votre photo pour amener au KM5”. Et du coup je me suis énervé j’ai dit mais qu’est-ce que votre photo va chercher au niveau du KM5. Il ne faut pas tenir de tels propos. Alabira Louqmane, étudiant en Master en sciences de gestion à l’université de Bangui
La fin des cours venu, Alabira doit à nouveau traverser Bangui. Entre habitants, groupes armés et Minusca le calme reste encore précaire dans la capitale. Dans son quartier de PK5 aussi la peur est toujours là, moins d'une semaine après des affrontements entre deux groupes rivaux d'autodéfense du quartier.