Chantal Ramazani est magistrate. En juillet dernier, elle a fui la RDC après avoir condamné l'opposant Moïse Katumbi, sous la contrainte du pouvoir selon elle, dans une affaire de spoliation présumée. Elle vit aujourd'hui en France sous la protection de la FIDH. Entretien.
"J'ai décidé de briser le silence par rapport à tout ce qui se passe dans mon pays." Chantal Ramazani, magistrate congolaise anciennement basée à Lubumbashi et désormais en exil en France, affirme avoir subi des pressions et des menaces de la part du régime de Joseph Kabila avant, pendant, et après le procès de Moïse Katumbi.
L'homme politique congolais est le principal opposant au président sortant. En juin dernier, il a été condamné par Chantal Ramazani à trois ans de prison et à un million de dollars d'amende dans l'affaire de spoliation immobilière Stoupis. De fait, il devient inéligible à la présidentielle qui devrait avoir lieu en 2018.
"C'est le premier président de la Cour d'appel lui-même qui nous a demandé de condamner Moïse Katumbi à trois ans de prison, une amende d'un million de dollars, et de mettre une clause d'arrestation immédiate pour quelqu'un qui n'était pas au pays puisqu'il avait reçu l'autorisation d'aller se faire soigner en Europe" révèle Chantal Ramazani.
Elle poursuit : "C'est un dossier politique dans lequel nous avons reçu des pressions, nous n'avons pas délibéré, et le juge n'avait pas d'intime conviction. Tout ce qu'on nous a demandé de faire, nous l'avons fait sous menace. Si on n'avait pas signé la condamnation, on aurait été condamné à dix ans de prison."
"C'était un procès bidon, monté de toutes pièces" dans le but était d'évincer Moïse Katumbi de la course à la présidentielle conclut Chantal Ramazani.
La magistrate a par la suite écrit une lettre aux responsables congolais, européens et des Nations unies pour demander que sa signature, qui apparaît au bas de la condamnation de Moïse Katumbi, soit considérée comme nulle puisqu'elle a été extorquée. Elle est soutenue par la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) qui dénonce une "justice qui n'est pas indépendante" en République démocratique du Congo.