Parking municipal d'Evry. 5h35 du matin. Charles et sa femme Blanche viennent de passer une nuit blanche dans leur voiture. "Je suis là parce que j'ai emmené ma femme pour le renouvellement de son titre de séjour, explique Charles. On est là depuis hier soir. Je viens une ou deux fois par an, pour fournir des documents puis revenir, et c'est comme ça tous les ans. Nous on vient parce qu'on veut être régularisés, ce sont des conditions qui nous sont imposées. On on ne sait pas si c'est normal pour certains, mais nous on trouve que c'est anormal."
Devant les grilles de la préfecture, y a déjà beaucoup de monde. La température extérieure est à peine de 2 degrés. "Y en a qui sont là depuis très tôt, 14h, depuis 14h30", assure Charles.
Avec d'autres, Charles a fait une liste de fortune, par ordre d'arrivée pour éviter le chaos, les disputes, et les resquilleurs. De l'auto-gestion, pour avoir sa place et récupérer un ticket à l'ouverture. Le sésame pour atteindre les guichets de la préfecture à temps.
Cédric, un jeune togolais attend lui aussi son tour. "Je suis cuisinier et taxi, explique-t-il. Je pars faire des tours, je reviens toutes une heure, une heure et demie pour vérifier que mon nom est toujours là". Ces grilles Cédric les connaît par coeur : il vit en France depuis l'âge de 7 ans, et il en est encore là. "Avant c'est ma mère qui venait le faire pour moi car j'étais trop petit. Mais depuis que j'ai 15 ans c'est moi qui le fait. J'ai une carte de séjour de un an à chaque fois j'ai demandé 10 ans mais on me l'a refusé."
On a attendu toute la nuit pour 10 minutes
Blanche
A 7h30, la préfecture ouvre enfin ses portes. Une nouvelle file d'attente officielle commence, et là encore rien n'est simple. Les policiers qui gèrent l'ouverture des grilles ne laissent passer qu'au compte-gouttes.
Après une attente interminable, les migrants atteignent finalement le guichet. "Ca a été très rapide, en 10 minutes c'était fait, souligne Blanche, la femme de Charles. On a attendu toute la nuit pour 10 minutes. Après avoir récupéré la fiche de renseignement, Blanche devra revenir ce soir avec tous les documents... et attendre encore. "Il faut que je vienne parce que sinon je perds mon boulot, tout est conditionné par le titre de séjour, tout est conditionné par le titre de séjour", assure-t-elle.
Cédric aussi devra revenir à la préfecture. Une aberration administrative que Cédric comprend mal, lui qui a grandi en France. "Je me sens français, j'ai la même vie que beaucoup de gens, je paie mes impôts. Je comprends pas pourquoi c'est aussi compliqué de faire des démarches administratives, pourquoi c'est aussi difficile pour nous ?".