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JNIM : le djihad armé s'enracine au Sahel

JNIM ou GSIM... Depuis des années, cette coalition djihadiste sème la terreur au Sahel central. Comment le JNIM est-il organisé ? Où est-il implanté ? Comment le combattre ? Décryptage avec « Les Mots de la Paix ».

« JNIM », cet acronyme désigne en arabe le Jama'a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin, en français : le « Groupe pour le Soutien à l’Islam et aux Musulmans » (GSIM). 
Il s'agit d'une coalition de groupes armés islamistes radicaux, active dans la région du Sahel central, et classée comme entité terroriste par les Nations unies. 

jama'a nusrat ul-islam wa al-muslimin jnim

Depuis quand le JNIM existe-t-il ?  

En 2017, quatre groupes adeptes du djihad armé s'associent pour fonder cette coalition :

- AQMI, Al-Qaida au Maghreb islamique : apparu dans les années 2000, la plupart de ses combattants étaient issus des groupes islamiques armés (GIA) ou du « Groupe salafiste pour la prédication et le combat », qui ont affronté l’armée algérienne pendant la guerre civile et enlevé des Occidentaux. En 2003 par exemple, 32 touristes, majoritairement allemands et autrichiens étaient enlevés kidnappés dans le sud-est algérien par le Groupe salafiste pour la prédication et le combat.  

- Ansar Dine : originaire du Nord du Mali, le groupe est composé principalement de combattants touareg qui se sont alliés en 2012 à des groupes indépendantistes pour lancer une offensive contre les villes du nord et du centre du pays.  

- Al-Mourabitoune : ce groupe est né d’une fusion des « Signataires par le Sang », une ancienne branche d’AQMI, et d’anciens du MUJAO (Mouvement pour l’unicité du jihad en Afrique de l’Ouest) qui a sévi au nord du Mali entre 2011 et 2013. Al-Mourabitoune a, entre autres, été impliqué dans les attentats meurtriers d'Arlit et Agadez au Niger en 2013, de Ouagadougou au Burkina Faso et de Grand-Bassam en Côte-d’Ivoire en 2016, ou encore de Gao au Mali en 2017.

carte attaques al-mourabitoune
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- La Katiba du Macina : apparue vers 2015-2016 au centre du Mali, elle prône, comme les autres membres du JNIM, l’instauration d’une vision rigoriste de la charia, mais aussi une révolution sociale, contre les relations de domination au sein des communautés. 

Le JNIM s’appuie sur de nombreuses unités de combat : les katibas.

 Tous les jours, de nouvelles attaques vont se poursuivre. Il n'y aura pas de paix tant que nous ne retournerons pas à la charia. Il faut qu'elle soit appliquée dans le pays tout entier. Lorsque cela sera fait, la guerre s'arrêtera et la paix reviendra.

Mahmoud Barry dit Abou Yahya, Second d’Hamadoun Kouffa – Katiba du Macina (Mali, 2022)

Qui sont aujourd’hui les membres les plus influents du JNIM ?

À la tête de la coalition : le chef d’Ansar Dine, Iyad Ag Ghali. Ce Touareg est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’Humanité.

Autre figure incontournable Hamadoun Kouffa (ou Amadou Koufa) le prêcheur peul qui dirige la Katiba Macina dans le centre du Mali.  

Mais aussi le Burkinabè Jafar Dicko du groupe Ansarul Islam, ou encore Seidane Ag Hittal, surnommé l’émir de Kidal, devenu l’interlocuteur privilégié pour les libérations d’otages occidentaux. Il est parfois perçu comme le dauphin du chef du JNIM. 

Amadou Kouffa et Iyad Ag Ghali

Hamadoun Kouffa, de la Katiba du Macina, et Iyad Ag Ghali, du groupe Ansa Dine, dirigent la coalition djihadiste JNIM.

jafar dicko

Le Burkinabè Jafar Dicko, du groupe Ansarul Islam, est une figure incontournable du JNIM.

Seidane Ag Hittal "émir de Kidal"

Seidane Ag Hittal, surnommé l’émir de Kidal, est l’interlocuteur privilégié pour les libérations d’otages occidentaux.

Où le JNIM est-il aujourd'hui le plus implanté ?

carte implantation jnim
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Selon les données fournies en 2024 par l'organisation ACLED (Armed Conflict Location & Event Data), le JNIM est présent au Mali dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Mopti, Kayes, mais aussi vers Bamako et le sud du pays. Le JNIM est également actif dans la quasi-totalité du Burkina Faso, particulièrement au nord et à l’est. Au Niger, il agit essentiellement dans la région de Tillabéri.
Le JNIM affronte aussi le groupe État islamique – Sahel dans la zone du Liptako-Gourma, dite « des 3 frontières », entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso. 

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« La méthode du JNIM est un peu différente de celle du groupe État islamique, le JNIM fait de la politique » souligne Abdou Khadir Cissé, journaliste spécialiste des questions djihadistes.

Parallèlement le groupe ne cesse parallèlement d’étendre sa zone d’opération vers le Golfe de Guinée, particulièrement au nord du Bénin, du Togo et de la Côte d’Ivoire. 

« Cette stratégie répond à la volonté de réduire un peu la pression militaire exercée dans des zones comme le Mali où les djihadistes font face à une traque de l'armée et de ses supplétifs, la compagnie privée russe, Wagner. Donc, le groupe se dirige vers des régions moins militarisées où il fait l'objet d'une traque soutenue et peut profiter de l’environnement criminel pour son approvisionnement logistique » explique Abdou Khadir Cissé, journaliste de l'agence de presse africaine APAnews et spécialiste des questions djihadistes. 
« Les pays côtiers peuvent s'inquiéter car la stratégie d'un groupe djihadiste vise à toujours s'étendre hors de sa zone de confort. Mais s'il dispose d'un noyau dur qui peut causer des attaques dans le nord de ces pays, l'activité du JNIM n'y est pas très intense, il s'agit surtout de harcèlement, mais où cela va-t-il mener ? »

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« Le JNIM dispose d'un noyau dur qui peut causer des attaques dans le nord des pays côtiers mais ce n'est pas au niveau du Burkina Faso » précise Abdou Khadir Cissé, journaliste de l'agence APAnews, spécialiste des questions djihadistes.

Une progression constante

Les forces armées sahéliennes et leurs alliés peinent à contenir la progression du JNIM depuis son apparition. Le groupe parvient à mener des opérations à grande échelle et à frapper des cibles militaires sensibles. Quatre attaques islamistes sur cinq au Sahel sont attribuées à cette coalition, avec une véritable explosion des décès signalés, notamment parmi les civils : plus de 9000 en 2023, un chiffre probablement sous-estimé. 

Le JNIM recrute au sein de nombreuses communautés sahéliennes. Il s’enracine durablement dans certains territoires où il administre la justice et parfois l’exploitation des ressources naturelles. 

« Il y a toujours un lien entre le djihadisme et le développement. Il s’agit de faire en sorte que la jeunesse ne soit pas vulnérable, qu'elle ne soit pas réceptive au discours des djihadistes, rappelle Abdou Khadir Cissé. Par exemple, même si ce n'est pas le pays côtier le plus attaqué bien qu'il partage la plus longue frontière avec le Burkina Faso, le Ghana fournit aujourd'hui beaucoup de combattants au JNIM. Cet attrait de cette jeunesse ghanéenne s’explique par l’absence de perspective dans le pays. Car au-delà du discours religieux, il y a un aspect financier qu'il ne faut pas minimiser. Les groupes djihadistes parviennent à avoir une certaine assise financière grâce aux revenus tirés des enlèvements et de ce qu'ils appellent la zakat, l'impôt islamique, qui peut être considéré comme du racket. »

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« Il faut aussi faire en sorte que les armées des pays touchés soient bien entraînées à faire face à la menace djihadiste aussi bien dans la réponse que dans la prévention » rappelle Abdou Khadir Cissé, journaliste à APAnews, spécialiste des questions djihadistes.

Alors comment combattre le JNIM ?

Diverses options ont été tentées :  

Une réponse militaire d’abord : la lutte armée contre le groupe est toujours privilégiée par les gouvernements du Sahel central, dont certains sont aujourd’hui soutenus par les forces russes, après avoir été accompagnés par la France à travers les opérations Serval puis Barkhane, et par la force conjointe du G5 Sahel.  

Une réponse judiciaire a aussi été apportée avec la mise en place de parquets nationaux antiterroristes.

Une réponse politique négociée a en outre été préconisée pour engager un dialogue avec les chefs des groupes armés islamistes radicaux. La Conférence nationale d’entente en 2017 et le Dialogue national inclusif au Mali en 2019 ont ainsi recommandé l’ouverture de pourparlers avec Hamadoun Kouffa et Iyad Ag Ghali. Les dirigeants déchus du Burkina Faso et du Niger envisageaient aussi d’explorer l'option de la négociation. Au Burkina Faso, l’ex-président de la transition, le lieutenant colonel Damiba, avait ainsi annoncé le 1er avril 2022 la création de comités locaux de dialogue avec les groupes extrémistes. Au Niger, le président déchu Mohamed Bazoum avait déclaré également déclaré vouloir aller dans ce sens.  

Une combinaison de toutes ces approches politico-militaro-judiciaire doublées d’un dialogue religieux a été menée en Mauritanie. Depuis 2011, le pays n’a plus connu d’attaque terroriste sur son sol.  

leaders jnim

Capture d'écran d'une vidéo transmise par la DGSE d'une rencontre des dirigeants du JNIM.


EN SAVOIR PLUS

Sources institutionnelles

Liste canadienne des entités terroristes - Sécurité publique du Canada - mise à jour régulière

Rapports, ouvrages, articles académiques

Groupes armés non étatiques et économies illicites en Afrique de l'Ouest, Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM) - ACLED et Global initiative against transnational organized crime - Octobre 2023

Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM) - ACLED - novembre 2023 (lien en anglais)

L'expansion djihadiste remodèle les frontières du Bénin, du Niger et du Nigeria - ACLED - mars 2025 (lien en anglais)

Les groupes islamistes militants avancent au Mali - Centre d’études stratégiques de l’Afrique - octobre 2024

CEP – KAS: Sahel Monitoring May 2024 - Counter extremism project - septembre 2024 (lien en anglais)

En Afrique, les morts imputables à la violence des islamistes militants continuent de monter en flèche - Centre d’études stratégiques de l’Afrique - janvier 2024

Le puzzle formé par le JNIM et les groupes islamistes militants au Sahel - Centre d’études stratégiques de l’Afrique - janvier 2021

Jihane Boudiaf, Sahel terrorism risk assessment - S&P Global - juin 2018 (lien en anglais)

Marc Mémier, AQMI et Al-Mourabitoun, le djihad sahélien réunifié ? - IFRI - janvier 2017

Dans les médias

Afrique : qui sont les groupes djihadistes affiliés à Al-Qaïda ?  - TV5MONDE - août 2022

Mali : qui sont les chefs du GSIM, cette coalition djihadiste qui met à mal l'armée malienne ? - TV5MONDE - juillet 2022

Le chef djihadiste malien Iyad Ag Ghali visé par un mandat d’arrêt de la CPI - Le Monde - juin 2024

De l’armée malienne au Jnim, le parcours sinueux de Seidane Ag Hitta, impitoyable « émir de Kidal » - Jeune Afrique - novembre 2024

Sahel : le chef djihadiste Iyad Ag Ghaly prend la parole dans une vidéo - TV5MONDE - décembre 2023 (video)

Le Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans revendique l'attaque à Bamako - TV5MONDE - septembre 2024

Terrorisme : comment Jafar Dicko, chef d’Ansarul Islam, s’est imposé au Burkina Faso - Jeune Afrique - juillet 2022