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RD Congo : la chute du ministre de la Justice Constant Mutamba au cœur d'un scandale financier

Constant Mutamba, 37 ans, incarnait le renouveau de la vie politique congolaise. Garde des Sceaux, il a présenté sa démission au président de la République Félix Tshisekedi mardi 17 juin. Il est poursuivi pour détournement de fonds publics.

Col Mao et tenue vestimentaire de Patrice Lumumba, père fondateur de la RD Congo, Constant Mutamba voulait donner une image d'honnêteté. Depuis sa nomination au poste de garde des Sceaux en mai 2024, ce juriste incarnait un renouveau de la classe politique congolaise. "Du moins c'est l'idée qu'il essayait de vendre", lance Ithiel Batumike Mihigo, chercheur à Ebuteli, Institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence. 

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Constant Mutamba

© Capture d'écran : sujet TV5MONDE / AFPTV

Dès sa prise de fonction, il avait promis de réformer un système judiciaire qu'il qualifiait de "malade". "Il était en réalité un populiste qui essayait de manipuler une bonne partie de l'opinion congolaise qui croit beaucoup plus au discours qu'aux actions", analyse le chercheur auprès de TV5MONDE. 

Aujourd'hui, c'est lui qui se trouve désormais au cœur d'un scandale financier qui a entraîné sa démission le 17 juin, a révélé le mensuel Jeune Afrique

"Une procédure naturellement opaque"

Constant Mutamba est accusé d'avoir détourné 19 millions de dollars dans le cadre d'un projet de construction d'une prison à Kisangani. "Pour désengorger les centres pénitenciers, il fallait en effet construire des nouvelles installations. Sauf que le ministre de la Justice a décidé d'utiliser l'argent destiné aux victimes de la guerre de Six jours - versé par l'Ouganda après la condamnation de la Cour Internationale de Justice (CIJ)", détaille Ithiel Batumike Mihigo. Le contrat avait été attribué sans appel d'offres à Zion Construction, "une entreprise novice dans le secteur". 

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"Seul le procès pourra dire s'il avait des liens avec cette entreprise sans expérience, mais on peut dire que c'est une procédure naturellement opaque, car il y aurait dû avoir un appel d'offres pour que les entreprises puissent concurrencer", insiste le chercheur d'Ebuteli. 

L'opinion politique partagée 

Cette démission a fait la une des journaux et a suscité de multiples réactions. Dans la rue de Kinshasa, certains habitants y voient un acharnement politique tandis que d'autres se rangent du côté de la justice. 

"Mutamba doit assumer. Moi, je croyais qu'il était parmi nos références des gens qui pouvaient aider le gouvernement, des gens qui pouvaient aider le président", regrette un passant auprès de TV5MONDE. 

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Pour ses partisans, il s'agirait d'un coup monté : "On veut à tout prix qu'il démissionne pour qu'il réponde à la justice... Il sera bientôt arrêté, alors qu'il y en a d'autres qui commettent les mêmes infractions et ils ne sont pas inquiétés", s'indigne un autre habitant de la capitale. 

Lors de son audition devant la commission parlementaire, l'ancien ministre de la Justice n'a pas hésité à remettre en cause l'intégrité du procureur général. Toutefois, ces accusations sont restées sans effet. Michaël Bakemba, collaborateur de l'accusé, dénonce aussi la teneur politique de cette affaire : "Le peuple congolais n'est pas dupe, le peuple congolais croit à la justice, le peuple congolais croit aux chefs de l'État"

Mais Ithiel Batumike Mihigo estime que si sa chute peut profiter à ses adversaires politiques, la sanction, elle, reste légitime : "On ne peut pas nier que les poursuites sont politiquement orientées ou intéressées. Cependant, elle est juridiquement justifiée et conforme à la loi"

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Le 15 juin, l'Assemblée nationale avait autorisé des poursuites contre lui. L'avenir du ministre reste flou, tout comme les conséquences de cette affaire sur la scène politique congolaise. Mais pour l'analyste Ithiel Batumike Mihigo, il n'est pas impossible que sa carrière connaisse un rebondissement plus tard, "surtout que dans une grande partie de l'opinion publique, il passe pour une victime, écrasée à cause de ses réformes courageuses". S'il est déclaré coupable, il risque la prison ou les travaux forcés. 

Dates-clés 

  • 24 avril 1988 : naissance à Luputa
  • Janvier 2011 : élu président des étudiants de l’université protestante au Congo
  • Janvier 2013 : nommé assistant du gouverneur de l’ex-Province Orientale
  • Avril 2014 : création du mouvement citoyen la Nouvelle Génération pour l’émergence du Congo
  • Avril 2018 : Nouvelle Génération pour l’émergence du Congo devient un regroupement politique
  • Février 2019 : nommé assistant du coordonnateur du FCC, Néhémie Mwilanya
  • Novembre 2021 : il quitte la famille politique de Kabila et crée la Dynamique Progressiste Révolutionnaire (DYPRO)
  • 30 août 2023 : candidat de l’opposition à l’élection présidentielle
  • 31 décembre 2023 : il arrive sixième lors de l’élection présidentielle, remportée par Félix Tshisekedi
  • 29 mai 2024 : nommé ministre d’État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux
  • 21 mai 2025 : l'Assemblée nationale est saisie par le procureur général près la cour de cassation afin d'obtenir l'autorisation de poursuivre une enquête pour détournement de fonds