Abdourahamane Alkassoum
Travailleur humanitaire à Dakar - Associé HD2A
Fil d'Ariane
Plus de 30 millions d’Africains ont dû fuir leur foyer pour se réfugier dans un pays voisin ou ailleurs sur leur territoire. Mais sont-ils tous des réfugiés ?
L'Afrique est le théâtre de nombreux mouvements forcés de populations. Elles fuient les conflits, les violences ou encore le réchauffement climatique. Pour les qualifier, deux termes reviennent souvent : réfugié et déplacé.
Dans les deux cas, il y a un mouvement de population à cause d'une crise. Mais les deux statuts juridiques n'ont rien à voir.
Première chose à savoir, le statut de réfugié est défini et protégé par le droit international. Un réfugié se trouve hors de son pays d'origine en raison d’une crainte de persécution, de conflit, de violence ou d’autres circonstances qui exigent une « protection internationale ».
En revanche, les personnes déplacées internes ne bénéficient d’aucune protection juridique ou physique qui s’appliquerait au niveau mondial. Ces personnes ont elles aussi été forcées de fuir pour éviter les conflits armés, les situations de violence, les violations des droits humains ou les catastrophes naturelles, mais elles n’ont pas traversé la frontière d’un État.
Décembre 2023, le camp de réfugiés de Djabel, dans l'est du Tchad. Les réfugiés soudanais se sont réfugiés à Djabel depuis le début de la guerre au Darfour en 2003. (Photo AP Content Services/Global Partnership for Education)
C’est en 1951 qu’est adoptée la « Convention relative au statut des réfugiés ».
En 1969, l’OUA, l’ancêtre de l’Union africaine, adopte sa propre « Convention régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique ».
Et ce n’est qu’en 2009 que l’Union africaine entérine ce qu’on appelle la « Convention de Kampala » sur la protection et l'assistance aux personnes déplacées en Afrique.
D'abord au Soudan et au Soudan du Sud, mais aussi en République Démocratique du Congo. Le Nigeria, l'Ethiopie, la Somalie sont aussi particulièrement touchés. Le Burkina Faso subit également une véritable crise de déplacement avec plus de 2 millions de déplacés. Mais aussi le Mali, le Tchad ou encore le Niger.
Source : Centre d'études stratégiques de l'Afrique, ONU, HCR, OIM, OCHA
20% sont des hommes, 33% des femmes, et près de la moitié sont des enfants. Et leurs conditions de vie sont des plus précaires.
85 % des déplacés vivent en situation de surpeuplement. Il existe bien sûr des centres d’accueils officiellement établis, mais beaucoup cohabitent dans des camps improvisés. Ils sont souvent accueillis par des communautés déjà très vulnérables qui font preuve d’une grande solidarité envers les populations réfugiées et déplacées. Même si des conflits peuvent parfois éclater à propos de l’exploitation des ressources, agricoles ou minières, ou de l’occupation d’espaces fonciers.
C’est d’abord une responsabilité des États. C’est à eux qu’il incombe de garantir la protection de ces personnes.
La disposition la plus importante de la Convention de 1951 pose le « principe de non-refoulement », c’est-à-dire l’interdiction des retours forcés. C’est LE socle du statut de réfugiés : un réfugié ne doit pas être expulsé ou renvoyé vers des situations où sa vie ou sa liberté serait menacée « en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques » (extrait de l’article 33 de la Convention de 1951).
En revanche, la protection des personnes déplacées, relève en premier lieu de la responsabilité de leur propre État. Mais celui-ci ne peut souvent plus l’assurer ou refuse parfois de la garantir.
C’est pour cela que d’autre acteurs se mobilisent, notamment le HCR, le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies. C’est le garant de la Convention de 1951. Le HCR dirige et coordonne l’action internationale pour les réfugiés, en collaboration avec les gouvernements. Et comme il n’existe pas d’agence de l’ONU pour la protection des déplacés internes, il assume aussi cette responsabilité.
Enfin les organisations humanitaires non-gouvernementales internationales telles que le Comité international de la Croix Rouge (CICR), Médecins sans Frontières (MSF) ou Médecins du Monde (MDM) interviennent aux côtés de nombreuses organisations africaines locales.
Abdourahamane Alkassoum
Travailleur humanitaire à Dakar - Associé HD2A
Convention de 1951 relative au statut des réfugiés
Convention de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) de 1969
Déclaration de la Rapporteure spéciale sur les Réfugiés, les Demandeurs d’asile, les Personnes déplacées et les Migrants en Afrique, à l’occasion de la Journée Mondiale des Réfugiés, 20 juin 2024 - Commission africaine des droits de l'homme et des peuples
Un nombre record de déplacements forcés en Afrique du fait des conflits - Centre d'études stratégiques de l'Afrique (septembre 2024)
Rapport d'activité 2020 pôle Afrique de l'Observatoire des Camps de Réfugiés
Le conflit et la répression causent le déplacement forcé de 32 millions d'Africains - Centre d'études stratégiques de l'Afrique (juin 2021)
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