Fil d'Ariane
Les ONG dénoncent des "violences" au caractère "ethnique" au Darfour. Les communautés non arabes sont prises pour cibles ; une guerre fratricide dont profitent plusieurs pays. Le dernier rapport de l'ONG MSF est sans appel. Nos invités sont Mathilde Simon de MSF et Marc Lavergne, directeur de recherche émérite au CNRS et spécialiste du Soudan.
La situation au Darfour est de nouveau au coeur de la guerre civile soudanaise. Alors que les Forces de soutien rapide (FSR) et l'armée soudanaise s'affrontent, la ville d'El Fasher, capitale du Darfour nord, est menacée de tomber aux mains des FSR. Les ONG craignent un bain de sang, et Médecins sans frontières (MSF) a récemment publié un rapport accablant sur les exactions commises contre les civils.
Historiquement, les FSR ont émergé du Darfour, une région où l'armée régulière soudanaise a toujours eu du mal à opérer sans soutien local, explique Marc Lavergne, spécialiste du Soudan. "Des groupes armés du Darfour se sont engagés dans différentes opérations, dans un objectif de gagner de l'argent", souligne-t-il.
Ces forces ont ensuite échoué à prendre le contrôle du reste du pays et de la capitale, Khartoum. Le Darfour revient désormais au coeur du conflit. L'armée n'a pas réussi à s'y imposer. Et les FSR se sont repliées dans cette région décisive.
Le rapport de MSF, intitulé "Assiégés, attaqués, affamés", met en lumière la situation désastreuse des civils dans cette zone, premières victimes de l'intensification du conflit. Les témoignages recueillis, plus de 80, révèlent des bombardements sur des infrastructures civiles et médicales, ainsi que des violences ciblées de la part des FSR contre des groupes ethniques non arabes (pillages, viols, etc.).
Les civils sont confrontés à des conditions de vie extrêmement difficiles, manquant de nourriture, d'eau et d'accès aux soins médicaux. Le siège sur El Fasher par les FSR dure ainsi depuis plus d'un an.
Selon Marc Lavergne, la guerre est exacerbée par des tensions politiques, ethniques et des enjeux économiques. Le réchauffement climatique et la raréfaction des ressources aggravent ces conflits, poussant les nomades à s'emparer des terres des agriculteurs. Les FSR sont accusées de mener des opérations de nettoyage ethnique, ciblant les communautés non arabes pour s'approprier leurs terres.
Le conflit au Darfour est également alimenté par des intérêts étrangers. Les Émirats arabes unis, et plus particulièrement Dubaï, sont accusés de soutenir les FSR en échange de l'accès aux ressources en or de la région. Des convois aériens en provenance des Émirats fournissent par exemple du matériel militaire aux FSR. Ce soutien passe largement inaperçu sur la scène internationale, en particulier chez les alliés occidentaux du pays.
(Re)voir : La catastrophique situation humanitaire au Soudan