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Tunisie : le procès pour "complot", une tragédie judiciaire ?

Selon notre invité Kamel Jendoubi, membre du Comité pour le respect des libertés et des droits de l'Homme et ancien ministre tunisien des droits de l'Homme, il s'agit d'une instrumentalisation du système judiciaire par le pouvoir de Kaïs Saied. 

Clémentine Pawlotsky : une première réaction, que vous inspirent ces condamnations ?

Kamel Jendoubi : Ce que les autorités appellent "l'affaire du complot contre la sûreté  de l'État" n'est pas un simple procès, c'est une opération politique montée de toutes pièces pour écraser toute opposition au régime Kaïs Saied. Ce qui se joue aujourd'hui dépasse largement le cadre d'un simple procès. Nous sommes face à une mise en scène judiciaire destinée à criminaliser l'opposition politique et à faire taire toute voix critique. 

Les personnes qui ont été condamnées représentent un échantillon représentatif de la diversité de l'opposition tunisienne. Il y a aussi bien des islamistes, des libéraux, des centristes, des personnalités de la société civile, des anciens ministres qui ont assumé des responsabilités importantes dans l'État pendant la transition, qu'on a appelée démocratique, c'est-à-dire de 2011 à 2019. 

(Re)voir Tunisie : qui sont les opposants condamnés dans le procès dit du complot contre la sûreté de l'État

L'accusation de complot contre la sûreté de l'État n'est fondée sur rien. Il y a ni arme, ni violence, ni projet subversif. Il y a simplement des réunions, des débats, souvent publics. Tout ce qu'une démocratie devrait encourager. 

Ce procès n'est pas simplement celui de 40 femmes et hommes injustement accusés, c'est le procès d'un régime qui veut abolir le pluralisme, verrouiller totalement la parole, et gouverner par la peur. 

Clémentine Pawlotsky : Vous êtes vous-même personnellement concerné, puisque je le précise, vous avez été poursuivi dans le cadre de cette affaire par contumace, puisque vous êtes en France. Aucune peine n'a, à ce stade, été prononcée contre vous. Vous êtes, pour l'instant, dans un moment d'attente, de flou juridique. Expliquez-nous votre situation personnelle ?

Kamel Jendoubi : En réalité, il n'y a plus de règles juridiques qui sont respectables ou qui ont été respectées, y compris les procédures et les règles mises en place par M. Kaïs Saied lui-même. Rappelons simplement, pour information, que c'est M. Kaïs Saied qui a rédigé personnellement la Constitution de 2022, qu'il a soumise à un référendum, et aussi un certain nombre de décrets qui, aujourd'hui, sont applicables en l'état. 

Donc, les procédures n'ont pas été respectées. D'ailleurs, il n'y a pas eu de séance, ni même de délibération publique. La défense n'a pas pris la parole. Les témoins ou les accusés n'ont même pas été présents pendant le procès. C'est un procès sans visage, ni publicité, ni présence des autres. Il n'y a pas d'observateur. Mon cas personnel illustre bien la déroute judiciaire de ce procès.