Quatre civils et un policier ont été tués lundi 30 octobre 2017 à Goma, dans l'est de la République démocratique du Congo, en marge d'une manifestation contre le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila qui a plongé le pays dans la crise depuis plusieurs mois.
Les corps de quatre civils gisant dans leur sang dans le quartier Majengo, dans le nord de Goma, capitale du Nord-Kivu, ont été vus par un correspondant de l'AFP, ainsi que celui "d'un policier lapidé" dans le quartier voisin Mabanga.
"Le meurtre par balles et le lynchage par les manifestants [d'un] agent de police" et le "décès par balles perdues d'un civil" sont "à déplorer", a déclaré à la télévision publique le colonel Pierrot-Rombaut Mwanamputu, porte-parole de la police. L'officier a accusé, sans les nommer, "certains opérateurs politiques" d'instrumentaliser la jeunesse, en les poussant à "donner la mort à autrui".
Manifestation à l'appel du Casc
La manifestation avait été organisée par le collectif d'actions de la société civile (Casc), qui comprend le mouvement Lutte pour le changement (Lucha). "La résistance contre le régime sanguinaire et prédateur de Kabila a bel et bien commencé", écrit ce mouvement de jeunes indignés sur son compte twitter.
Vingt-huit jeunes, dont deux femmes, ont été "interpellés" et "seront auditionnés afin d'établir les charges retenues contre chacun" d'eux, a déclaré à l'AFP le général Placide Nyembo, commandant de la police du Nord-Kivu. Plusieurs d'entre eux ont affirmé à l'AFP avoir été interpellés de force chez eux ou dans la rue, sans savoir pourquoi. Le général Nyembo a également indiqué que 18 civils et quatre policiers avaient été blessés en marge de la manifestation.
Dans la capitale Kinshasa, mégalopole de quelque 10 millions d'habitants, l'appel à manifester n'a ni été relayé, ni suivi. A Kisangani, grande ville du nord-est, la police a pourchassé les quelques manifestants qui tentaient de brûler des pneus sur les grandes artères, selon le correspondant de l'AFP. Les écoles étaient fermées alors que les autres activités tournaient au ralenti à Mbandaka (nord-ouest). A Lubumbashi, deuxième ville du pays (sud-est), la police a dispersé à coup de gaz lacrymogène et de matraque une quarantaine de jeunes qui tentaient de manifester, selon un journaliste de l'AFP.
"Transition sans Kabila!"
La tension politique est vive en RDC en raison du maintien au pouvoir du président Joseph Kabila. En dépit d'un mandat qui a expiré fin 2016, M. Kabila est toujours au pouvoir et aucun calendrier électoral n'a encore été rendu public. Les manifestations de l'opposition ou autres mouvements citoyens sont interdites ou réprimées dans tout le pays.
La Constitution interdit à M. Kabila de se représenter pour un nouveau mandat, mais la justice l'a autorisé à rester à la tête du pays jusqu'à l'élection de son successeur. En vertu d'un accord entre la majorité et l'opposition signé fin 2016 sous l'égide de l'Église catholique, les élections auraient dû se tenir avant fin 2017, mais la Commission électorale chargée de l'organiser table désormais sur 2019. L'ambassadrice américaine aux Nations unies, Nikki Haley, a appelé vendredi 27 octobre 2017 à Kinshasa à l'organisation des élections en 2018, lors d'une visite qui l'avait également conduite à Goma.
"Ce que nous attendons de votre pays, ce n'est donc ni de la pitié, ni de la charité, mais des actions concrètes, sur base de votre influence politique, diplomatique et économique, pour soutenir l'élan de notre peuple", avait alors écrit Lucha dans un mémorandum à l'attention de l'ambassadrice américaine. "On n'est pas dans la logique des élections en 2018. Cela doit être clair pour tout le monde! Élections 2017 ou transition sans Kabila!", a écrit Fred Bauma, un des dirigeants de Lucha sur son compte twitter.