Le virus Ebola a été
découvert au Zaïre, en 1976. Alors pourquoi ne dispose-t-on toujours pas d'un traitement bien homologué ? Sans doute pas à cause de la nature même du virus : "Aujourd'hui, avec tous les moyens techniques à notre disposition, il n'y a pas de virus contre lequel on ne puisse trouver un traitement ou un vaccin", rappelle Eric Leroy.
La réponse réside davantage dans l'ampleur que connaissait la maladie jusqu'à présent. "C'est une maladie rare, explique Antoine Flahaut, professeur de santé publique à l'
université Paris-Descartes. Il y a eu très peu de cas dans le monde. Même aujourd'hui, cette épidémie, pourtant d'ampleur inégalée, reste dans un périmètre restreint. Quelques milliers de malades, c'est beaucoup pour ceux qui en souffrent, mais c'est extrêmement peu pour un marché pharmaceutique potentiel. Il y a des maladies rares qui sont traitées dans les pays très riches où l'on paie extrêmement cher des produits qui sont donnés à très peu de malades. Ce n'est pas le cas pour Ebola : de toute façon, les personnes atteintes sont si pauvres qu'elles, ou leurs pays, ne peuvent pas se permettre de payer les traitements ou les développements que devrait mériter la maladie." Il estime le coût moyen de développement d'un médicament à un milliard d'euros.
Par conséquent, Ebola est considéré comme une maladie "négligée". Voire "doublement négligée", estime Sylvain Baize : "On appelle 'maladies négligées' la tuberculose ou le paludisme parce que l'industrie pharmaceutique ne s'y intéresse pas trop, faute de marché. Ces maladies négligées sont maintenant inscrites sur une liste afin de trouver certaines sources de financement, comme la fondation Bill Gates. Les fièvres hémorragiques, comme Ebola, ne font même pas partie de cette liste-là." S'ajoute à cette absence de "marché", le fait que, jusqu'à présent, Ebola "n'était pas du tout un problème de santé publique", poursuit le chercheur. "Toutes les autres épidémies, avant celle qui sévit actuellement, concernaient des petites franges de population, tout au plus 300 cas", chiffre Eric Leroy.
L'absence de marché pour les laboratoires a conduit Marie-Paule Kieny, la sous-directrice générale de l'OMS, à déclarer : Ebola est "typiquement une maladie de pauvres dans des pays pauvres".
Reste que, pour les équipes souhaitant lancer des recherches sur le virus, les contraintes sont fortes, notamment en termes de manipulation du virus, comme l'explique Eric Leroy : "Ebola fait partie des virus les plus dangereux et les plus mortels. On doit se limiter, selon la réglementation internationale, à des conditions de laboratoire à très haute sécurité. C'est ce qu'on appelle les laboratoires de type P4. Ils sont très peu nombreux. En Europe il n'y en a que deux, à Lyon et en Allemagne. Dans le monde entier, il n'y en a pas dix. Or la recherche ne peut aller vite que si, comme dans le cas du VIH, des milliers de laboratoire y travaillent."