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Et selon le Pew research Center, think tank américain de réference sur les questions religieuses, en 2060 quatre chrétiens sur 10 dans le monde seront originaires d'Afrique subsaharienne. Selon les chiffres communiqués par le Vatican en octobre 2022 et portant sur l’année 2021, l’Afrique compte 256 millions de catholiques, soit environ 18 % de la population du continent.
"L'Afrique ne cesse de nous surprendre" avait affirmé alors le pape François le 2 juillet dernier au Saint Siège. L'avenir du catholicisme s'inscrit-il pour le pape au sein du continent ? "Le pape François a compris que le continent africain était beaucoup plus dynamique sur le plan religieux que l'Europe où le catholicisme est assez essouflé", constate François Mabille, chercheur au CNRS spécialiste du Vatican.
Le pape veut créer un collège universel, une Église universelle et l'intégration de l'Afrique dans ce projet est essentielle.
Dominique Wolton, sociologue, auteur d'un livre d'entretien avec le pape François.
Selon Dominique Wolton, sociologue, auteur d'un ouvrage d'entretien avec le souverain pontife, "le pape François est un le premier pape d'un pays du Sud, le premier pape non européen. Sa relation avec l'Afrique est plus simple. Le pape François vient d'un pays l'Argentine qui fait partie de ce que l'on peut appeler les marges ou du moins la périphérie des pays riches tout comme des pays Africains. Et les Africains le sentent. Il est beaucoup plus populaire qu'un homme comme Benoit XVI, dernier pape européen", estime le sociologue.
De fait sous le pape François, le continent européen a vu sa position au sein du collège des cardinaux s'éroder au profit d'autres continents notamment de l'Afrique. Seulement 40% des cardinaux sont aujourd'hui Européens contre 53% au début de son pontificat en 2013. En 2020, le pape avait déjà fait cardinaux dix Africains contre six pour son prédécesseur le pape Benoit XVI. Le cardinal congolais Fridolin Ambongo Besungu, archevêque de Kinshasa fait même partie du Conseil des Cardinaux, un conseil restreint chargé d'aider le pape dans son gouvernement de l'Église.
Le pape se rend en RDC car il a le sentiment que c'est dans ce continent et notamment en RDC que se joue de nombreuses problématiques liées à la mondialisation.
Jean-Pierre Dozon, chercheur à l'EHESS, spécialiste des religions en Afrique.
"Le pape veut créer un collège universel, une Église universelle et l'intégration de l'Afrique dans ce projet est essentielle", ajoute le sociologue Dominique Wolton.
"Le pape se rend en RDC car il a le sentiment que c'est dans ce continent et notamment en RDC que se joue de nombreuses problématiques que l'on retrouve dans la mondialisation. La question de la démocratie, de la paix, de la guerre ou l'accaparment des richesses ou l'immigration. Au coeur du Congo, nous sommes au coeur de la mondialisation", explique pour sa part le chercheur Jean-Pierre Dozon, chercheur à l'EHESS, spécialiste des religions en Afrique.
Lire : RD Congo, jusqu'où va l'influence de l'Église catholique dans le jeu politique ?
"Le cardinal congolais Fridolin Ambongo Besungu est un proche du pape François. Le pape connait le rôle politique de l'Église catholique en RDC. Il connaît le rôle de médiation de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) dans la crise politique de 2018 entre le candidat devenu président Félix Tshisekedi et le président sortant Joseph Kabila. Le pape n'a pas eu dans la résolution crise poltique en RDC en 2018 un rôle direct mais il a encouragé et soutenu les initiatives de la CENCO dans sa défense de la démocratie et de la paix en RDC. Il a donc laissé une grande autonomie aux églises locales dans leurs actions politiques sans doute conseillé par le cardinal congolais Fridolin Ambongo Besungu, archevêque de Kinshasa", estime François Mabille, chercheur au CNRS.
Le pape laisse une grande autonomie aux églises locales africaines sans doute conseillé par le cardinal congolais Fridolin Ambongo Besungu, archevêque de Kinshasa.François Mabille, chercheur au CNRS, spécialiste de la diplomatie vaticane.
Le passé du pape explique en partie ce soutien du Vatican pour les initiatives locales des églises africaines selon Dominique Wolton en faveur de la défense de l'Etat de droit. "Le pape François est un françiscain qui s'interroge sur la questions des inégalités ou de la justice sociale et sur la question démocratique. Il a également vécu dans un régime dictatorial en Argentine, une expérience qui l'a fortement marqué. Les questions autour de la démocratie et des injustices sociales sont fortements présentes dans certains pays africains", estime pour sa part Dominique Wolton.
Les relations entre les églises africaines et le Vatican sont au beau fixe, notamment sur le plan théologique selon François Mabille, chercheur au CNRS. "En Afrique, il n'y a pas eu de controverse théologique entre Rome et les églises locales comme ce fut le cas en Amérique latine avec la théologie de la libération (théologie jugé trop proche du marxisme pour Jean-Paul II, NDLR). Les églises africaines et surtout celle de RDC suivent la doctrine sociale de l'Église ( Doctrine de l'Église demandant aux fidèles de se présenter comme des citoyens responsables, NDLR). Dans ce cadre là Rome n'a eu aucun problème a accorder plus d'autonomie à ces églises locales dans leur action politique", explique le chercheur
Dernière initiative en date soutenue par la Curie, celle de la Conférence épiscopale du Gabon contre le régime de Ali Bongo. Les évêques du Gabon réunis en Assemblée générale durant 6 jours ont publié dimanche 29 janvier une déclaration politique très forte à quelques mois des élections présidentielle, législatives et locales dans le pays. "Il faut la vérité des urnes en 2023", ont-ils exigé. La déclaration a été rendue publique au terme d’une messe à la paroisse Saint-Pierre située à un jet de pierre du palais présidentiel.
Ce pape n'est pas un théologien comme Benoit XVI mais un pape bien plus politique selon François Mabille. Cela s'est ressenti dans la nomination des cardinaux africains par le pape François. "Les Africains faits cardinaux par le pape François sont surtout des hommes de terrain et d'action, bien plus que des gens qui prennent des positions sur des questions de société ou des questions théologiques C'est le cas du cardinal congolais Fridolin Ambongo Besungu, archevêque de Kinshasa mais aussi le cas du cardinal Dieudonné Nzapalainga l'archevêque de Bangui", estime le chercheur.
Dieudonné Nzapalainga a multiplié les déplacements et les initiatives dans les quartiers de Bangui touchés par la violence de la guerre civile oppose notamment les milices de la Seleka, à majorité musulmane à des groupes d'auto-défense chrétiens et animistes, les anti-balaka. Le pape s'est rendu le 30 novembre 2015 à Bangui.
"Le voyage en RDC du pape est aussi une façon de mobiliser les églises locales de les encourager dans un pays instable politiquement et en guerre", estime le chercheur . Les populations de l'Est de la RDC, que ce soit en Ituri et au Kivu sont victimes des violences de milices armés. La diplomatie vaticane, ces dernières années a favorisé les initiatives mais n'a jamais renoncé à intervenir plus directement. "Le pape a aussi encouragé les initiatives de la communauté de Sant'Egidio dans de nombreux Etats africains", décrit François Mabille.
Surnommée "la petite ONU du Trastevere" (du nom du quartier de Rome où elle est installée), Sant'Egidio, fondée en 1968 par de jeunes étudiants catholiques imprégnés de militantisme social, est devenue au fil des années une experte en négociations de paix et un des canaux de la "diplomatie de l'ombre" du Saint-Siège. Sant'Egidio fait irruption sur la scène internationale avec la signature, en 1992, d'un accord de paix au Mozambique qui met fin à 16 ans de guerre civile entre le pouvoir et la rébellion. Le pape François s'est rendu au Mozambique en 2019.
Guinée, Niger, Centrafrique, Tchad, Soudan du Sud... Au cours des dix dernières années, les "diplomates" de Sant'Egidio ont multiplié les intermédiaires pour offrir "des possibilités de dialogue à des pays en difficulté, soit politique soit institutionnelle".
Le Soudan du Sud a plongé en 2013 dans une sanglante guerre civile de cinq ans opposant Salva Kiir et Riek Machar. Celle ci a fait 380 000 morts et des millions de déplacés. Les armées des deux camps sont accusées de crimes de guerre. En 2019, un an après un accord de paix, le pape avait reçu les deux frères ennemis au Vatican.
Dans un geste qui avait marqué les esprits, il avait embrassé les pieds des deux dirigeants, aujourd'hui au pouvoir dans le cadre d'un gouvernement d'union nationale (avec Salva Kiir au poste de président et Riek Machar à celui de vice-président).
"Votre peuple aspire aujourd'hui à un avenir meilleur, qui ne peut se concrétiser que par la réconciliation et la paix", avait-il lancé. Mais quatre ans plus tard, la violence perdure, alimentée par les élites politiques.
"Le maitre mot de la diplomatie vaticane est celui de la paix. C'est ce qui revient à chque fois dans les discours du paix avec des réussites et des échecs comme en Ukraine. Et le pape place souvent la recherche de cette paix par le dialogue intereligieux. C'est dans se sens que pour son voyage au Soudan du Sud, du 3 au 5 février il va s'y rendre avec l'archevêque de Canterbury (la première autorité religieuse de l'anglicanisme église protestante, NDLR), estime François Mabille spécialiste de la diplomatie vaticane.
"L'Afrique est le continent de l'altérité religieuse où le paysage religieux reste divers avec l'Eglise catholique, le monde évangélique, l'Islam ou l'animisme. C'est celui du champs du dialogue intereligieux pour le pape", décrit pour sa part Dominique Wolton, sociologue et auteur d'un livre d'entretien avec le pape François. Depuis les années 90 la croissance du monde évangélique en Afrique de l'Ouest et Afrique Centrale gêne la croissance de l'Eglise catholique.
La RDC est le premier pays catholique en Afrique subsaharienne avec 45 millions de fidèles. PLus de 35 millions de Congolais se revendiquent protestants ou évangéliques. "Le pape Benoit XVI avait tenu des propos direct contre la théologie très binaire du pape. Le pape François tiendra sans doute un discours porté sur la compassion auprès des victimes de la guerre dans l'est de la RDC", estime François Mabille.